Musée des Tissus : Hollande, le sauveur du patrimoine, en dernier recours

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Le Musée des Tissus et des
Arts décoratifs de Lyon
Photo : Didier Rykner
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Le Président de la République n’a pas peur du ridicule. Il annonce à tout va que la France (et donc lui) va sauver le patrimoine mondial des mains des vandales. Il veut accueillir dans les réserves de Liévin les œuvres menacées par les terroristes. Il veut « organiser un droit d’asile pour les œuvres ». Il n’y a vraiment que les grincheux qui pourraient penser que cette idée n’est pas admirable.

Pourtant, ce n’est pas admirable. C’est grotesque.

C’est grotesque car on aimerait savoir comment un bâtiment dimensionné pour accueillir les réserves du musée [1] pourrait d’un coup de baguette magique, alors que le concours d’architecture est terminé, se dédoubler pour abriter également les œuvres des pays en guerre.

C’est grotesque car François Hollande réinvente la poudre en paraissant, en plus, donner des leçons au monde entier. Car les « safe heaven », ces dépôts permettant de mettre à l’abri les œuvres menacées par la guerre, ne sont pas une nouveauté. Rappelons par exemple qu’il y a quelques années, un musée entier du Proche-Orient avait été abrité dans un tel lieu, à Bâle, avant d’être restitué.

C’est grotesque, car François Hollande, qui n’a même pas pensé qu’il serait pertinent d’informer ceux qu’il veut sauver malgré eux, s’est attiré une réponse cinglante de Maamoun Abdulkarim, directeur des Antiquités et des musées de Syrie (voir le Figaro). Celui-ci ne veut pas de l’aide de la France, expliquant que les œuvres en danger ont déjà été mises à l’abri. Il ajoute qu’il refuse que le patrimoine soit utilisé à des fins politiques, ce qui montre qu’il a tout compris des vraies intentions du Président.

C’est grotesque, car le Président de la République, qui veut sauver le patrimoine mondial, se révèle absolument incapable de préserver le patrimoine français (voir notre précédent article à ce sujet). Nous ne parlerons pas ici, à nouveau, des vandalismes en cours, que chacun connaît. Nous aimerions en revanche revenir sur le Musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon devant lequel le Président de la République reste complètement amorphe malgré les nombreuses interpellations dont il a fait l’objet.

La dernière (probablement l’ultime) est venue hier du président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon à l’occasion de la venue dans cette ville, le jeudi 17 novembre de François Hollande (voir le communiqué). Il rappelle pourtant que le 26 juin dernier, déjà à Lyon, « François Hollande avait pris le temps de l’écouter et avait marqué sa détermination à trouver une solution pou sauver les exceptionnelles collections de ce musée unique au monde ». Alors qu’il est incapable de sauver le Musée des Tissus et des Arts décoratifs, une collection de portée mondiale, comment ne pas trouver grotesque la volonté du Président de la République venir à la rescousse du patrimoine syrien et irakien. Chacun conviendra pourtant que la première question est infiniment plus facile à résoudre que la seconde.

On signalera ici, pour conclure, que pendant que François Hollande, Gérard Collomb (maire de Lyon), Audrey Azoulay, Vincent Berjot (directeur général des Patrimoines) et Marie-Christine Labourdette (directrice des Musées de France) se lavent les mains du destin de ce musée, celui-ci continue pourtant, envers et contre tout, son travail d’excellence dont nous donnons ici quelques exemples ces derniers mois :

  il recevait en juin le prix d’honneur de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon pour la qualité de son travail scientifique, notamment la base de données en ligne (2000 notices publiées),
 il multiplie les prêts pour des expositions internationales : au Metropolitan Museum de New York, au Victoria & Albert Museum de Londres, à Prague, Nuremberg, Kassel, Stuttgart, Rome, au Petit Palais à Paris, au musée des Beaux-Arts de Tours…
 il co-organise avec le musée national Magnin de Dijon une exposition sur un dialogue entre la collection de portraits de Magnin et la collection lyonnaise, inaugurée le 30 septembre dernier,
 il a organisé du 20 septembre au 10 octobre 2016, à Dunhuang en Chine, à la demande du gouvernement chinois et de l’Ambassade de France en Chine, une exposition présentant deux cents ans d’histoire de soierie lyonnaise à travers quarante chefs-d’œuvre de la collection au sein du Pavillon de France, la France étant le pays invité du premier festival international des Routes de la Soie.
 il a publié aux éditions Fage un coffret contenant les deux catalogues des expositions « Le Génie de la Fabrique » et « Le Génie 2.0 » (français et anglais) grâce au mécénat de l’association Première Vision et d’Unitex,
 il publie un ouvrage sur 66 vélins inédits de Nicolas Robert ayant appartenu à Nicolas Fouquet et qu’il conserve.
 il a signé un accord de collaboration sur plusieurs années (échanges d’expositions, d’expertises, de personnels) avec le China National Silk Museum de Hangzhou, toujours en Chine ; seul un autre musée international a signé un tel accord avec ce musée chinois, le musée historique d’État du Kremlin à Moscou.
 le directeur du Musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon a été élu président de l’International Association for the Studies of Silk Road Textiles, dont le siège est le China National Silk Museum de Hangzhou et dont les membres, uniquement institutionnels, sont : la British Library, l’Université de Cambridge, le Centre international de recherches textiles de Copenhague, l’Académie des Sciences de Moscou, le département des Antiquités d’Israël, le musée de l’Ermitage, l’Université nationale de Corée, l’Université Donghua de Shanghai, l’Art and Design College de Shanghai, l’Académie chinoise des Sciences de Beijing, le Centre international de Conservation ICOMOS de Xi’an, l’Institut de recherches archéologiques de la province du Xinjiang. En 2017, le Musée des Tissus et des Arts décoratifs accueillera donc à Lyon la prochaine Assemblée générale de l’International Association for the Studies of Silk Road Textiles (IASSRT), ainsi que le Symposium international sur les Routes de la soie auquel participeront plus d’une centaine de collègues d’institutions chinoises et internationales.

Bref, non seulement le Musée des Tissus et des Arts décoratifs a une activité scientifique débordante, non seulement il continue à enrichir ses collections, mais il est honoré en France et dans le monde en participant au rayonnement culturel de notre pays.

Il ne reste plus que quelques semaines, voire quelques jours, à François Hollande pour sauver cette institution. Sinon, il faudra dire à la Chine que les musées français ne peuvent honorer leurs engagements, car on les ferme.

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