Menaces sur le château de La Barben (9/13) : le jardin à la française

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Contrairement à ce qui est souvent affirmé, notamment lors du classement, il paraît très improbable que le petit jardin à la française du château de La Barben soit dû à Le Nôtre. Nous reverrons cette question dans un prochain article consacré à l’histoire telle qu’elle est contée par le parc d’attraction Rocher Mistral.

Comme tout le reste du château, à l’exception des écuries, des toitures et des terrasses, le jardin a été victime de travaux et d’aménagements non autorisés, dont la DRAC explique qu’elle « a demandé à la société Rocher Mistral de déposer une demande d’autorisation en régularisation précisant les installations, leur mode de pose et fixation et précisant leur caractère réversible et la durée d’installation ». Une fois de plus, donc, dans ce dossier, on s’aperçoit que plutôt que de dresser un PV et de le transmettre au procureur - ce qui avait été fait pour le potager et les ruines, mais pas pour le château lui-même - la DRAC envisage de régulariser la situation. Or ce qui a été réalisé sur ce jardin le dénature et le met en danger.


1. Façade sur le jardin menant aux ruines (juin 2019)
Photo : La Tribune de l’Art
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2. Façade sur le jardin menant aux ruines, état actuel
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Même la restauration qui semble avoir été autorisée, celle de la façade sur jardin, par laquelle le visiteur sort des « ruines » (voir l’article précédent), est mal faite. Celle-ci, bien qu’un peu moussue, ne semblait pas en trop mauvais état (ill. 1). Elle est désormais plus blanc que blanc (ill. 2). Et on admirera la subtile intégration de la gouttière qui passe entre la porte et la fenêtre de droite. L’encadrement de cette porte a été réduit, on ne sait pourquoi, et la fenêtre au-dessus a vu son meneau intégralement remplacé (ill. 3 et 4) !


3. Détail de la façade sur le jardin menant aux ruines (juin 2019)
Photo : La Tribune de l’Art
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4. Détail de la façade sur le jardin menant aux ruines, état actuel. On remarquera notamment la position de la gouttière, l’encadrement de la porte de droite, et le remplacement du meneau de la fenêtre qui la surplombe
Photo : Didier Rykner
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5 . Faux Vase décoratif
Photo : Didier Rykner
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La comparaison du jardin il y a deux ans avec ce qu’il est devenu (nos photos datent d’août) est particulièrement parlante. Celui-ci est rempli de structures diverses : guérites, faux vases (ill. 5) et podiums sur lesquels se produisent les danseurs et comédiens du spectacle intitulé Les Féeries du jardin Le Nôtre qui se déroule de nuit (ill. 6 et 7). Nous n’avons pas poussé l’abnégation journalistique jusqu’à rester le soir pour assister à ce spectacle dont on peut avoir un aperçu sur le site de Rocher Mistral et dont l’argument est le suivant : « André Le Nôtre, célèbre jardinier de Versailles, inaugure sa dernière création au château de La Barben. Alors que les jardins s’habillent de lumières, les illustres familles de Provence sont conviées à un bal féerique... »


6. Vue du jardin (juin 2019)
Photo : La Tribune de l’Art
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7. Vue du jardin (août 2021)
Photo : Didier Rykner
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L’organisation tous les soirs pendant l’été de cette attraction « en déambulation » est évidemment dangereuse pour un jardin fragile. Il suffit de regarder certaines photos datant de juin 2019 (ill. 8 et 10) à côté de celles que nous avons prises cet été (ill. 9 et 11) pour comprendre à quel point les lieux ont déjà souffert de cette surfréquentation. Des pelouses râpées, des plate-bandes sans fleurs... La comparaison est terrible et se passe de commentaires.


8. Vue du jardin (juin 2019)
Photo : La Tribune de l’Art
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9. Vue du jardin (août 2021)
La comparaison avec l’ill. 7 est parlante
Phogo : Didier Rykner
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10. Vue du jardin (juin 2019)
Photo : La Tribune de l’Art
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11. Vue du jardin (août 2021)
Photo : Didier Rykner
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Sur le côté du jardin longeant la Touloubre, plusieurs guérites ont été construites (ill. 12 et 13), qui ressemblent un peu aux transformateurs dont nous avions parlé dans notre troisième article. Et de ce même côté du jardin, presque sur tout le long, a été posé une structure en bois qu’on ne sait comment appeler, un pont posé sur le sol qui sert probablement à empêcher aux visiteurs de trop se salir les chaussures (ill. 14 et 15). Il n’est pas certain que Le Nôtre, s’il avait un jour mis les pieds à La Barben, aurait beaucoup apprécié. Rappelons encore que toutes ces installations n’ont pas été autorisées, qu’elles sont illégales, et pourtant que cela ne semble pas gêner la DRAC ni le préfet qui ne font rien pour s’y opposer.


12. Guérite construite dans le jardin
Photo : La Tribune de l’Art
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13. Guérite construite dans le jardin
Photo : La Tribune de l’Art
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14. Structure en bois avec balustrade construite sur le jardin
Photo : Didier Rykner
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15. Structure en bois avec balustrade construite sur le jardin
Photo : Didier Rykner
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De l’autre côté du jardin, on trouve l’orangerie, dont les grandes arches se déploient de la plus grande à la plus petite (ill. 16). Enfin, se déployaient, car les deux dernières ont été bouchées (ill. 17) !


16. Vue de l’orangerie donnant sur le jardin (juin 2019)
Photo : La Tribune de l’Art
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17. Vue de l’orangerie avec deux arches bouchées (août 2021)
Photo : Didier Rykner
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L’extrémité ouest du jardin, du côté des arches de l’orangerie désormais closes, était naguère ouverte vers le potager qui se trouve presque dans son axe, comme on peut le voir sur une vue aérienne que nous avons déjà publiée dans notre troisième article. C’est désormais terminé puisqu’un mur a été construit, contre lequel a été édifié une fontaine (ill. 18) aussi fantaisiste que factice, et multicolore. Voilà donc à quoi ressemble la vue que l’on avait sur le jardin de l’extérieur (ill. 19), et celle d’aujourd’hui (ill. 20).


18. Fontaine construite sur le côté ouest du jardin
Photo : Didier Rykner
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19. Perspective sur le jardin avec dans le dos le potager (juin 2019)
Photo : La Tribune de l’Art
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20. Même vue que l’illustration 18 en août 2021 : la vue est obstruée par une construction
Photo : Didier Rykner
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On pourra alors reprendre la visite par le potager qui se trouve derrière nous, et que nous décrivions dans le troisième article. Ainsi se termine notre triste visite du parc dit Rocher Mistral, dans l’état où il se trouve aujourd’hui. Mais notre série d’articles n’est pas terminée. Nous verrons dans le prochain à quel point les élus, les fonctionnaires et même le gouvernement sont impliqués dans ce scandale, comme nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, notamment dans notre sixième article, et dans le suivant comment ce projet, qui n’en est qu’à ses débuts, pourrait s’étendre si leur complicité se poursuivait.

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