Menaces sur le château de La Barben (8/13) : les « ruines »

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Ayant mis plus de temps que prévu pour terminer notre septième article mis en ligne hier, et nous étant engagés à sortir un article de notre série sur le château de La Barben tous les deux jours, nous n’attendons pas davantage pour publier celui-ci, ce qui nous permet de rattraper notre retard.

Ce qu’on appelle les ruines (ill. 1), à La Barben, sont d’anciennes galeries qui reliaient le château au jardin. Elles datent de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle et leur état de délabrement partiel est dû au tremblement de terre de 1909 qui frappa la Provence et occasionna également l’écroulement d’une tour du château. Une partie de ces galeries sont donc désormais à l’air libre, mais plusieurs volumes voûtés (salles en partie écroulée, mais dont une partie des voûtes subsistent) et salles voûtées en berceau sont encore visibles.


1. Vu des ruines (anciennes galeries) du château de La Barben avant les travaux
Photo : La Tribune de l’Art
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Comme dans le potager (voir l’article), comme dans le château lui-même (voir cet article et celui-ci), comme, on le verra, dans le jardin, les ruines ont été victimes de travaux non autorisés. Contrairement au château, en revanche, ces travaux ont fait l’objet d’un PV d’infraction transmis au procureur, mais ce qu’en dit la DRAC vaut la peine d’être cité presque intégralement : « Le 29 avril dernier, 2 agents de la Conservation régionale des monuments historiques accompagnés par l’architecte des bâtiments de France, ont constaté la réalisation de travaux sans autorisation sur l’emprise du monument et sur ses abords, engagés par la société Rocher Mistral. Les travaux d’aménagement pour l’accessibilité des abords, étaient alors quasiment achevés alors que l’autorisation reçue le 2 mars 2021 était en cours d’instruction. (Fin délai instruction 2 sept 2021). Les prescriptions envisagées dans l’avis ne pourront pas être mises en œuvre notamment la surveillance archéologique des excavations. Par ailleurs certains travaux n’étaient pas décrits dans l’autorisation déposées (structures métalliques dans la grande galerie, structure bois dans la galerie adjacente, seuil béton devant la grande galerie, réseaux et regards béton dans les galeries et circulations, gardes corps, ainsi que les structures métalliques en élévation sur la rampe dans le jardin). Un PV a été dressé à la société Rocher Mistral et portée auprès du procureur de la république. La demande d’autorisation fait l’objet d’un refus. De nouvelles demandes d’autorisation devra [sic] être déposée proposant des améliorations, une demande pour les travaux pérennes de restauration et d’aménagement, une demande d’autorisation pour les décors et dispositifs scéniques, scénographique dits provisoires et réversibles. »


2. Plan des « ruines » du château de La Barben
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Certes, un PV a été adressé au procureur. Les faits décrits ici sont graves : demande d’autorisation de travaux qui ne décrivait pas une partie d’entre eux, pourtant très lourds, travaux effectués sur monument classé et sur ses abords sans autorisations, prescriptions archéologiques qui ne pourront être mises en œuvre car les travaux ont déjà été faits, etc. Pourtant, une fois de plus, qu’envisage la DRAC ? Que de nouvelles demandes puissent être faites pour « améliorer » et régulariser ce qui a été fait sans autorisation. Cette attitude, que nous avons déjà dénoncée et qui consiste à vouloir se satisfaire de travaux non autorisés qui par ailleurs vandalisent le monument, est incompréhensible et très inquiétante.


3. Les « ruines » avant les travaux
(plan : n° 4)
Photo : La Tribune de l’Art
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4. Les « ruines », état actuel
(plan : n° 4)
Photo : Didier Rykner
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Voyons maintenant ce que montrent désormais ces ruines et quels sont les travaux qu’elles ont subis. Nous joignons un plan (ill. 2) sur lequel nous pourrons, comme pour le précédent article, décrire notre déambulation. Ce plan est antérieur aux aménagements actuels, certains éléments rajoutés lors des travaux n’y figurent donc pas.


5. Vu de l’arrivée aux « ruines », qui sont sur la droite, état actuel (plan : n° 1) ; le château est à gauche
Photo : Didier Rykner
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6. Extrémité du chemin d’accès aux « ruines », état actuel, au fond l’ascenseur (plan : n° 3)
Photo : Didier Rykner
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Comparons l’état préalable au travaux et celui d’aujourd’hui (ill. 3 et 4 ; n° 4) pour voir l’ampleur des aménagements (non autorisés) qui ont été faits ici : sol artificialisé, garde fou en bois et corde, etc.
On arrive d’abord par un chemin (ill. 5) qui longe les vestiges (n° 1) et qui permet soit de descendre via un escalier par un passage qui existait déjà (n° 2), soit d’aller jusqu’au bout (ill. 6) où les personnes à mobilité réduite peuvent alors emprunter un ascenseur dédié (n° 6).


7. Aménagements (non autorisés) avec un ascenseur (plan : n° 5) pour se rendre dans les « ruines »
Photo : Didier Rykner
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8. L’ascenseur (plan : n° 6)
Photo : Didier Rykner
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Oui, mais cette installation lourde n’a été ni autorisée, ni donc supervisée par les services de la DRAC. Qu’il faille un accès handicapé pour une visite d’un monument historique peut sembler légitime, mais rien n’autorise à faire de tels travaux sans l’aval du service des monuments historiques.


8. Première galerie sud, état actuel (plan : n° 7) ; on voit qu’elle est
coupée en deux dans le sens de la longueur par une rampe descendante
Photo : Didier Rykner
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On débouche alors sur une galerie autrefois voûtée mais aujourd’hui à l’air libre (n° 7 ; ill. 8), qui a été coupée en deux parties séparées par une rampe, pour amener le visiteur à passer devant un premier volume sous voûte (n° 8). Nous pouvons comparer l’état antérieur aux travaux à celui actuel (ill. 9 et 10). Outre la disparition d’un arbre, l’endroit est rempli d’un bric à brac dont Rocher Mistral a le secret : planches calcinées, (fausses) colonnes quadrangulaires brisées, faux autel, etc.


9. Galerie sud, au fond, le premier volume sous voûte, avant les travaux (plan : n° 8)
Photo : La Tribune de l’Art
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10. Galerie sud, au fond, le premier volume sous voûte, état actuel (plan : n° 8)
Photo : Didier Rykner
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11. Faux puits dans la galerie nord, état actuel (plan : n° 9)
Photo : Didier Rykner
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On rebrousse alors chemin en suivant la rampe, pour entrer dans la deuxième galerie à l’air libre, plus au nord. On y débouche (n° 9 ; ill. 11) sur un puits (tout est faux bien sûr) là encore encombré de multiples objets (poutres, seaux, sacs...), qui mène à un nouveau volume sous voûte [1] (n° 10). Comparons une nouvelle fois l’aspect du lieu avant, et aujourd’hui (ill. 12 et 13). Et constatons, à nouveau, la coupe d’un arbre. On s’aperçoit aussi de l’installation d’une poutre de part et d’autre des murs sur laquelle sont fixés ce qui semblent être des projecteurs.


12. Galerie nord, au fond, le deuxième volume sous voûte, avant les travaux
(plan : n° 10)
Photo : La Tribune de l’Art
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13. Galerie nord, au fond, le deuxième volume sous voûte, état actuel
(plan : n° 10)
Photo : Didier Rykner
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Nous y accueillent (ill. 14) deux ou trois armures et surtout, au fond, une fausse cheminée médiévale (n° 12 ; ill. 15), un pur décor sans aucune justification historique ni même logique : cela n’a proprement aucun sens, d’autant que l’on passe dans le foyer pour pénétrer dans la galerie voûtée qui suit.


14. Deuxième volume sous voûte, état actuel (plan : n° 11)
Photo : Didier Rykner
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15. Fausse cheminée (plan : n° 12) au fond du deuxième volume sous voûte, état actuel
Photo : Didier Rykner
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Cette galerie, la voilà avant et la voilà aujourd’hui (n° 13 ; ill. 16 et 17). Un faux décor qui ne ressemble à rien de connu. Est-ce une fausse chapelle, une fausse galerie romane, une fausse crypte ? Ce qui est certain, c’est que c’est faux, de A à Z. Les pilastres sont faux, les arcs sur les côtés sont faux, le mur du fond est faux, les fenêtres sont fausses...


16. Galerie voûtée est avant les travaux, qui débouchait sur le jardin (plan : n° 13)
Photo : La Tribune de l’Art
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17. Galerie voûtée est, état actuel, la cloison du fond et la porte
ont été ajoutées (plan : n° 13)
Photo : Didier Rykner
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Le spectacle (ill. 18 à 21) est fait d’une projection sur les murs dont nous laisserons les lecteurs en apprécier l’intérêt et le bon goût, grâce à ces quelques photos.


18. Projection sur les murs
« Le temps des bâtisseurs »
Photo : Didier Rykner
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19. Projection sur les murs
« Le temps des bâtisseurs »
Photo : Didier Rykner
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20. Projection sur les murs
« Le temps des bâtisseurs »
Photo : Didier Rykner
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21. Projection sur les murs
« Le temps des bâtisseurs »
Photo : Didier Rykner
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Non autorisés, ces travaux ont-ils abîmé la salle ? Difficile de le dire car on ne sait pas comment ce faux décor a été fixé. Ce qui est certain, quoi qu’il en soit, c’est que les murs ont été enduits pour permettre la projection, masquant ainsi les moellons apparents, et modifiant profondément leur aspect. Quant aux remarques faites par la DRAC (voir plus haut), elles font craindre le pire.


22. Mur et porte ajoutés,
du côté de la galerie
Photo : Didier Rykner
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23. Mur et porte ajoutés,
avant la sortie sur les jardins
Photo : La Tribune de l’Art
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Cette galerie a par ailleurs été cloisonnée à son extrémité. Elle débouchait autrefois directement sur le jardin comme on le devine à la lumière qui pointe à l’extrémité, sur l’illustration 16. Désormais, un mur orné d’une fausse porte (ill. 22 et 23) amène sur une petite salle servant de sas (n° 14), qui elle-même arrive sur le jardin dont nous parlerons dans notre prochain article.


24. Galerie voûtée centrale avant les travaux (plan : n° 15)
Photo : La Tribune de l’Art
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25. Galerie voûtée centrale état actuel avec la projection de l’attraction « Le souffle de la Provence » (plan : n° 15)
Photo : Didier Rykner
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Nous terminerons celui-ci avec un second spectacle en projection immersive « Le souffle de la Provence », dans la deuxième salle voûtée, qui se trouve au milieu sur le plan (n° 15 ; ill. 24 et 25). Là encore, les murs ont été enduits pour la projection de ce qui ressemble, selon un commentaire sur Tripadvisor, à une publicité pour la Provence.

La suite de notre enquête (mais pas la fin), sera publiée dans deux jours.

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