Menaces sur le château de La Barben (3/13) : les abords déjà dégradés

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Le château de La Barben, dont nous avons décrit sommairement l’historique, est donc menacé par un projet d’ampleur, comme nous l’avons écrit ici. Ce projet qui ne fait que commencer s’est déjà attaqué à une partie des abords. Nous regarderons, dans ce troisième article, les travaux exécutés pour la plupart sans autorisation sur le potager et à côté de celui-ci.


1. Vue aérienne Google Maps, avec le potager et le jardin qui se répondent
Photo : Google Maps
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Le potager, qui se trouve sur un terrain dans le prolongement du jardin à la française (ill. 1), n’était pas classé monument historique dans le décret initial, ce qui constituait une erreur d’appréciation manifeste. En 2006, il a été ajouté au classement par le conservateur régional des monuments historiques, mais avec une procédure qui ne semble pas vraiment régulière. S’il ne paraît donc pas possible de le considérer comme un monument classé, il est situé aux abords et en covisibilité avec le château, le pont sur la Touloubre et le jardin à la française qui, eux, sont expressément protégés.


2. Le potager du château de La Barben en février 2021.
Les travaux ont déjà commencé mais on voit qu’il s’agissait
d’une zone naturelle que le projet a totalement artificialisé
Photo : Google Images
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3. Le potager du château de La Barben en février 2021.
À droite la maison du jardinier, avant que ne soient construites
la billetterie et les toilettes...
Photo : Google Images
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Nous ne disposions pas de photos du potager avant les travaux. Fort heureusement, Google Maps est passé sur la route qui le longe en février 2021, alors que les travaux étaient déjà entamés, mais pas suffisamment pour cacher à quoi il ressemblait avant [1] (ill. 2 et 3) : on constate que ce lieu était une prairie, avec de la terre agricole, encore mieux visible grâce aux tranchées que Rocher Mistral y avait déjà creusées. Quant à ce que cela est devenu, voici une première photo (ill. 4) qui se passe de commentaires, prise alors que les travaux se terminaient.


4. Le potager vers la fin des travaux, avant l’installation du « marché provençal »
Photo : La Tribune de l’Art
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La législation sur les monuments historiques prévoit que tous travaux concernant les abords doivent être validés (avis conforme) par l’architecte des bâtiments de France, qui dépend de la DRAC et de la préfecture.
Si le maire du village ne souhaite plus parler de ce dossier aux journalistes [2], nous avons pu néanmoins consulter en mairie - c’est la loi - les documents qui ne sont plus en cours. Il en va ainsi des demandes refusées.
Mieux encore : nous avons interrogé le préfet sur tous les points qui nous semblaient poser problème, et ils sont nombreux. Nous reviendrons ultérieurement sur le courrier qu’il a adressé en réponses à nos questions, mais nous pouvons publier dès maintenant un document qu’il nous a transmis, particulièrement édifiant : il s’agit d’un tableau reprenant toutes les questions que nous avons posées à la DRAC, à laquelle celle-ci répond point par point, sans langue de bois [3]. Nous mettons en ligne ici l’intégralité de ce document et nous reviendrons dans les articles suivants sur ce qui concerne les autres parties du château.


5. Le potager du château de La Barben
avec à gauche la maison du jardinier et les bâtiments de la billetterie et des toilettes, le sol en grande partie stabilisé, la rampe...
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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6. Le potager du château de La Barben, autre vue de la maison du jardinier, des bâtiments de la billetterie et des toilettes
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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Nous avons pu constater la présence dans le potager de bâtiments en dur abritant la billetterie et les sanitaires (ill. 5 et 6). Leur incongruité à cet endroit est évidente, d’autant qu’ils sont adossés à l’ancienne maison du jardinier et qu’ils dépassent le mur d’enceinte, ce qui les rend visibles de l’extérieur.


7. Le potager du château de La Barben transformé en « marché provençal » avec son sol stabilisé
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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8. Le potager du château de La Barben transformé en « marché provençal » avec son sol stabilisé
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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Sur ce même potager a été construit un « authentique marché de Provence » (ill. 7 et 8) et un petit théâtre (ill. 9), ce qui a entraîné la transformation du sol en stabilisé (ill. 10), garantissant ainsi que plus rien ne puisse plus y pousser. Ajoutons la construction d’une rampe le long du mur du potager (ill. 6 et 11).


9. Le théâtre dans le potager du château de La Barben
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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10. Le sol stabilisé qui a remplacé la terre dans le potager du château de La Barben
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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La demande de permis de construire de la billetterie et des sanitaires a été déposée en mairie le 12 mai 2021 et reçue par l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) le 20 mai. Celle-ci a fait l’objet - fort logiquement d’ailleurs - de la part de celui-ci d’un avis conforme négatif le 22 juin 2021, avis négatif confirmé par le préfet qui prend en compte également les risques liés aux inondations (toute cette zone est menacée par les crues soudaines de la rivière) et les incendies (ceux-ci sont nombreux dans la région, et toute cette zone est très surveillée et facilement inflammable). Malgré cet avis, ces édifices ont été construits.


11. Autre vue de la rampe d’accès dans le potager du château de La Barben
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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L’aménagement du potager avec le « village provençal », la rampe et le sol stabilisé a fait l’objet d’une demande d’autorisation déposée en mairie le 17 mars 2021 et complétée le 28 avril. Le 31 mars, l’ABF a demandé des pièces complémentaires, et a constaté le 12 mai 2021 que celles fournies étaient insuffisantes. Là encore, un refus a été apporté à cette demande par le préfet : « La déclaration préalable est refusée pour le projet décrit dans la demande susvisée ». Et là encore, l’aménagement a tout de même été réalisé.

Constatant ces travaux illégaux, la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) a établi un procès-verbal, transmis le 28 juillet 2021 au procureur de la République d’Aix-en-Provence. Celui-ci n’ayant jamais répondu à nos interrogations, nous ne savons pas quelle suite il va lui donner. Un permis d’aménager a été déposé le 30 juillet « en vue de régularisation ». Régularisation ! Le mot est lancé. Un mot que le préfet emploie dans sa réponse en affirmant que « certaines des infractions constatées sont susceptibles d’être régularisées ». Nous reviendrons dans un prochain article sur les explications que le préfet nous a apportées, mais pour notre part nous ne voyons rien dans les travaux non autorisés ou qui n’ont jamais fait l’objet d’une demande d’autorisation qui soit susceptible d’être régularisé. Et certainement pas les nombreux aménagements lourds et les constructions exécutés sur le potager.

Pour abriter les acteurs et le personnel en charge d’animer le parc d’attraction du château et du jardin (nous en parlerons dans des articles à venir), Rocher Mistral a demandé à ériger des constructions modulaires en préfabriqué sur un terrain à proximité du potager, et donc du château. Le permis de construire a été déposé le 15 juin 2021 (à une date très tardive donc, puisque le parc a ouvert le 1er juillet, qui interdisait de donner l’autorisation dans les temps) : « Création de bâtiments temporaires pour les techniciens et les personnels des manifestations du château de La Barben ». L’ABF a donné un avis conforme défavorable, confirmé par le préfet le 5 juillet 2021. Si le refus de l’ABF porte sur la question des abords monuments historiques, il est intéressant de s’attarder également sur certaines raisons (non exhaustives) données par le préfet qui a confirmé le refus de permis :
 « le projet se situe sur un espace exposé au risque incendie de forêt en interface direct avec le massif forestier sous le vent dominant »,
 « le lieu d’implantation des constructions a déjà été atteint par un incendie de forêt en août 1991 »,
 « le porteur de projet n’apporte pas d’information sur la mise en sécurité des biens et des personnes liés à ces constructions modulaires particulièrement vulnérables notamment en cas d’incendie de forêt [...] »


12. Les baraquements abritant le personnel
(au fond à gauche, l’église de La Barben, classée monument historique,
au fond à droite, le château de La Barben, classé monument historique)
Photo : La Tribune de l’Art
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La suite n’est pas difficile à imaginer : les bâtiments « temporaires » que l’ABF, le préfet et le maire ont refusés, ont néanmoins été construits (ill. 12). Comme nous l’a dit la DRAC, « ces travaux ont été inclus dans le même constat d’infraction que les précédents »

D’autres travaux ont été autorisés, avec des prescriptions :

 La restauration du mur du potager. La restauration a eu lieu, mais sans respecter les prescriptions. Pourtant, « aucune action n’a été entreprise pour modifier les travaux réalisés ». On se demande pourquoi.


13. Les deux transformateurs à proximité du potager
Photo : Didier Rykner (25/8/21)
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 l’installation de deux transformateurs à proximité du jardin et du potager ; là encore, la réponse de la DRAC est claire : « L’installation a été autorisée, mais selon des modalités différentes que ce que l’on peut voir sur place. Cette non conformité a été incluse dans le même PV d’infraction ». On appréciera sur photo (ill. 13) l’élégance de ces constructions.

On peut donc constater que la plupart des travaux menés sur le potager ou à ses alentours ont été interdits et tout de même réalisés, et que deux autres ont été autorisés avec prescriptions, sans que ces prescriptions aient été respectées. Nous verrons dans les articles suivants que ces irrégularités ne sont pas les seules, et sans doute pas les plus graves.

Didier Rykner

Notes

[1Addendum 27/9/21 : selon des informations reçues depuis la parution de cet article, ces tranchées seraient des sondages archéologiques préalables aux travaux, ce qui ne change rien sur le constat que nous en avons tiré.

[2Notons que celui-ci nous a permis de visiter l’église et que nous ajouterons deux œuvres qui y sont conservées dans la base Stella.

[3Il s’agissait manifestement d’un document brut, à usage interne, pour permettre au préfet de nous répondre, mais celui-ci nous a été transmis officiellement.

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