Les abords dégradés de la rotonde de La Villette de Claude-Nicolas Ledoux

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La rotonde de La Villette est un des rares monuments construit par Claude-Nicolas Ledoux à avoir survécu à l’épreuve du temps. Elle faisait partie des édifices jalonnant le mur des fermiers généraux qui permettait la perception de l’octroi à l’entrée de la la Ville de Paris. Édifié à partir de 1784 jusqu’à la Révolution le « mur murant Paris » qui « rend[ait] Paris murmurant » était ainsi scandé de cinquante-quatre bâtiments, appelés propylées, dus à cet architecte, dont seuls subsistent aujourd’hui ceux de la place Denfert-Rochereau (la « Barrière d’Enfer »), dont l’un est affecté au Musée de la Libération et l’autre sert d’entrée aux Catacombes, ceux de la Nation (Barrière du Trône) qui abritent des logements sociaux, celui de l’entrée du parc Monceau (Barrière de Chartres) et, enfin, celui de la Villette (Barrière Saint-Martin).


1. Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806)
Rotonde de La Villette en septembre 2011 avant que ses abords ne soient gravement dégradés
(Photo qu’adorent tweeter les adjoints à la Ville de Paris qui la préfèrent curieusement aux vues actuelles...)
Photo : ParisSharing (CC BY 2.0)
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2. Vue de la rotonde de La Villette en janvier 2022
Photo : Didier Rykner
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Ces rares vestiges d’un ensemble beaucoup plus conséquent sont classés monument historique depuis 1907. Ils appartiennent tous à la Ville de Paris. Celle-ci a accordé la concession de la rotonde de La Villette, depuis 2009, à un restaurant. Mais si la rotonde elle-même a été restaurée il y a quelques années, son environnement est désormais traité d’une manière indigne et d’ailleurs illégale comme il est facile de le démontrer.


3. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022 avec une superbe baraque en bois !
Photo : Didier Rykner
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4. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022 avec une magnifique tente en fer et toile !
Photo : Didier Rykner
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Si cette situation ne nous avait pas échappé, c’est une nouvelle fois grâce à Twitter que nous avons pris conscience de sa gravité. Deux personnes par ailleurs très actives dans le mouvement dénonçant le #saccageparis auquel est soumis la capitale sous la mairie d’Anne Hidalgo, @JCQDSE et @Baptiste75004 [1], ont dénoncé cette situation inqualifiable à l’aide de nombreuses photos, et même, pour @Baptiste75004, d’un historique et d’une vidéo. On voit dans cette dernière (à la 38ème seconde) un rat, animal désormais familier des Parisiens qui envahit de plus en plus la surface alors que cette espèce, inévitable en ville, était jadis cantonnée à la vie souterraine.


5. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022 avec un extraordinaire container tagué
Photo : Didier Rykner
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6. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022 (le container tagué, avec un peu plus de recul)
Photo : Didier Rykner
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L’état de cette rotonde - ou plutôt de ses abords (ill. 2 à 14) - est un de ces scandales dont la mairie a le secret. Mais celle-ci n’est pas la seule responsable. Car le ministère de la Culture, en charge de faire respecter le code du patrimoine, n’est guère actif. Nous avons contacté la DRAC Île-de-France avec laquelle, désormais, nous arrivons à communiquer, ce qui est un point positif. Nous la remercions donc de ses réponses même si celles-ci ne sont pas satisfaisantes. En revanche, la société qui exploite la rotonde et que nous avons interrogée ne nous a jamais répondu.


7. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022, magnifiés par une savante végétalisation et constructions diverses
Photo : Didier Rykner
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8. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022, magnifiés par une savante végétalisation et constructions diverses
Photo : Didier Rykner
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La loi est très claire : si les constructions temporaires ne sont pas concernées par les avis conformes des architectes des bâtiments de France, celles-ci ne sont pas temporaires (elles sont là depuis plusieurs mois, voire certaines depuis plusieurs années comme le démontrent les vues Google Streets) et elles relèvent bien de cet avis même s’il s’agit de baraques ou même de containers (tagués qui plus est).
Comme nous l’a confirmé la DRAC, ces aménagements n’ont pas été autorisés par l’ABF car ils ne lui ont pas été soumis. La seule demande d’aménagement des abords a été effectuée le 27 mars 2018, et a reçu un avis positif, mais il s’agissait uniquement de travaux de terrassement près du canal. Rien de ce qu’on voit aujourd’hui autour du monument, qui défigure totalement son environnement, n’a donc été permis.


9. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022 (vue sur la baraque en bois d’un point de vue différent)
Photo : Didier Rykner
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10. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022, avec de riantes plate-bandes arborées et un splendide élément de street art
Photo : Didier Rykner
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La DRAC a reconnu que « la tenue de l’établissement laiss[ait] à désirer notamment sur ses extérieurs », ce qui est un doux euphémisme. Elle nous a appris qu’elle avait « suscité une réunion sur site de l’ABF en juillet dernier avec la Ville de Paris qui en assure la gestion ». Mais qu’a-t-elle fait depuis ? Rien, car elle considère que « les suites de la réunion […] relèvent du propriétaire ». Nul doute que celui-ci tremble devant tant de sévérité. On ne comprend pas, mais vraiment pas, à quoi sert un classement monument historique si la dégradation des abords n’est pas combattue vigoureusement par le ministère de la Culture, si nécessaire par le biais d’une plainte auprès du procureur de la République.


11. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022 (à proximité immédiate du monument)
Photo : Didier Rykner
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12. Jolie composition colorée égayant un côté de la rotonde
Photo : Didier Rykner
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Quant aux divers pots de fleurs en plastique, barrières, déchets de tout genre comme on peut les voir sur nos photos, ils relèvent cette fois purement de la responsabilité de la Ville de Paris. On se demande d’ailleurs vraiment qui peut avoir envie de venir manger ici, dans ce qui ressemble d’abord à une déchèterie.


13. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022 (non, ce n’est pas une déchèterie)
Photo : Didier Rykner
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14. Les abords de la rotonde de La Villette en janvier 2022...
Photo : Didier Rykner
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Notons qu’interpellé par les tweets de @Baptiste75004, un élu, le maire du XIXe arrondissement François Dagnaud a au moins répondu favorablement : « Oui, c’est vrai, cette terrasse mériterait d’être plus soignée et plus respectueuse de La Rotonde et de sa valeur patrimoniale. J’ai saisi le gérant-exploitant de la Rotonde et les services de la Ville pour qu’on y travaille ensemble. » Mais il n’est pas question ici de « travailler ensemble », juste d’imposer l’enlèvement de ces aménagements illégaux et de nettoyer les abords du monument.
Par ailleurs, à nos propres interrogations formulées par courriel, la Ville de Paris a répondu par l’intermédiaire de Karen Taïeb, adjointe en charge du patrimoine, qui a elle aussi reconnu le problème : « La Rotonde est en effet un très bel édifice, remarquable et classé monument historique. Si sa transformation en lieu de vie et de restauration est une belle idée, la Rotonde mérite une attention et une mise en valeur de son caractère architectural et patrimonial ».

Si nous prenons donc acte des intentions affichées par ces deux élus, nous sommes suffisamment habitués aux promesses de la Ville de Paris, pour n’y croire que lorsque celles-ci se seront concrétisées. Car comment imaginer que le maire du XIXe arrondissement puisse ignorer la situation désastreuse de ce monument, déjà depuis des années, dans un quartier qui connaît par ailleurs de grave problèmes d’insécurité qui ne peuvent qu’être accentués par une telle situation d’abandon.
Le saccage de Paris auquel nous assistons, et qui se voit particulièrement à cet endroit, n’est pas près de s’arrêter… Et dans ce cas comme dans beaucoup d’autres, le ministère de la Culture porte aussi une lourde responsabilité.

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