Le parc du château de Kolbsheim menacé par une autoroute

1. Château de Kolbsheim
Photo : Didier Rykner
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Une autoroute, chacun en conviendra, ce n’est pas très écologique. Sauf en Alsace, manifestement, où l’on vient d’inventer l’autoroute qui diminue la pollution. Plutôt que de s’interroger sur la manière de réduire intelligemment le trafic routier (ce qui pourrait se faire, par exemple, en évitant de tuer systématiquement le fret ferroviaire), on crée donc de nouvelles voies rapides qui sont censées dégorger celles qui existent déjà. En réalité, à terme, la création d’une offre augmentera globalement la circulation et accroîtra la pollution. Les associations de protection de l’environnement, comme France Nature Environnement, ne disent pas autre chose à propos du projet en question, le Grand Contournement Ouest (voir leur communiqué du 29 février dernier). Le journal Reporterre a également consacré un très bon article à cette question.

Mais ceci n’est pas notre sujet, La Tribune de l’Art ne traite pas de l’écologie, comme elle n’a pas vocation à dénoncer l’opacité des contrats de concession d’autoroute (Rue 89 Strasbourg l’a très bien fait dans cet article), ou à contester les projets d’aménagement qui ne mettent pas en péril le patrimoine historique. Oui, mais voilà. Cette autoroute à quatre voies menace justement l’un des plus beaux sites que l’on puisse trouver à proximité de Strasbourg. Nous parlons ici du parc du château de Kolbsheim (ill. 1).


2. Jardins du château de Kolbsheim
Photo : Erik Grunelius
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3. Jardins du château de Kolbsheim
Photo : Didier Rykner
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Celui-ci se trouve à 15 km de Strasbourg et domine la plaine d’Alsace. Il possède un jardin à la française, constitué de plusieurs terrasses (ill. 2 et 3), et se prolonge par un parc à l’anglaise. Le château lui-même date, pour son aile la plus ancienne, du tout début du XVIIIe siècle, et du milieu du XIXe pour la seconde aile.
Si les jardins furent en grande partie rasés pendant la Première guerre mondiale, il furent ensuite entièrement recréés. Il faut se promener dans cet endroit pour en apprécier le caractère exceptionnel, qui fut d’ailleurs reconnu par le label « Jardin remarquable » accordé par le ministère de la Culture. Le grand philosophe Jacques Maritain et son épouse Raïssa séjournèrent et travaillèrent longtemps à Kolbsheim (où ils furent inhumés) et y accueillirent nombre de grands esprits du XXe siècle.


4. Ancien moulin (à droite)
Tous les arbres visibles sur cette photo disparaîtront
pour faire place au viaduc de l’autoroute qui passera
juste à cet emplacement.
Photo : Didier Rykner
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5. L’autoroute passera au fond de ce paysage, sur un viaduc
qui enjambera la rivière (la Bruche)
Photo : Didier Rykner
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L’autoroute traversera à dix mètres du sol, sur un viaduc, l’extrémité du parc (ill. 4 et 5). La pollution sera non seulement visuelle, notamment à partir des terrasses, mais aussi sonore malgré les murs anti-bruits que l’on nous promet. Inutile de dire que cela signe la mort de ce site pourtant ouvert à la visite et qui constitue une visite dominicale idéale pour les Strasbourgeois. La section d’autoroute passera non seulement au milieu d’un secteur naturel remarquable, elle sera également dans le périmètre théoriquement protégé par l’inscription monument historique, pourtant étendue en 2006 au delà des seules terrasses. Comment peux-t-on comprendre que le ministère de la Culture, en 2005, accorde à un jardin le label « remarquable », qu’il étende un an plus tard la surface de sa protection, et qu’il autorise finalement sa dénaturation en 2016 ?

Nous avons interrogé la Direction Régionale des Affaires Culturelles qui n’a pu, en deux jours, répondre à ces deux simples questions : lui a-t-on demandé son avis (obligatoire) et quelle a été sa réponse ? Nous avons également contacté la maîtrise d’ouvrage, la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, qui n’a pas davantage pu nous donner les informations souhaitées [1]. Mais qu’on se rassure : bien évidemment, si elles n’ont pas été données, toutes les autorisations le seront, comme il est d’usage pour ce type de projet où le ministère de la Culture n’est qu’une chambre d’enregistrement. Les quelques soutiens politiques d’envergure aux opposants au Grand Contournement Ouest sont désormais soit aux abonnés absents, soit favorables au projet. Ainsi, Emmanuelle Cosse qui, avant d’entrer au gouvernement, y était opposée, reste curieusement bien discrète depuis qu’elle a été nommée ministre ; et Roland Ries, le maire de Strasbourg, expliquait naguère que ce projet était « archaïque », mais il a brutalement changé d’avis en 2014 (voir cet article de La Tribune).
Que le ministère de la Culture ne serve à rien est évident : autorisation déjà accordée ou non, le projet avance à grande vitesse, Vinci venant de choisir les architectes devant construire le viaduc (voir les Dernières Nouvelles d’Alsace du 25/8/16). Une fois de plus, les protections accordées aux monuments historiques sont ignorées et foulées aux pieds par ceux dont la mission est de les faire respecter.


6. Parc de Kolbsheim, en bas des terrasses
près du passage du futur autoroute
Photo : Didier Rykner
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Quant à l’entreprise Vinci, son implication dans ce projet est la preuve que son mécénat culturel ne sert qu’à s’acheter une conscience et à gagner une réputation qu’elle ne mérite pas. L’entreprise n’a d’ailleurs même pas daigné répondre aux questions que nous lui posions sur cette affaire. La restauration de la galerie des Glaces à Versailles, un mécénat de compétence qui lui a d’ailleurs permis d’utiliser ses propre entreprises spécialisées, n’est bien que l’arbre qui cache la forêt. Vinci n’est pas l’ami du patrimoine. S’il en fallait une seule preuve, nous avons découvert en travaillant sur cet article qu’elle avait été à nouveau mécène de Versailles. Pour les travaux sur le pavillon Dufour (voir notre article). Plus qu’un symbole !

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