Le Palais de la Porte Dorée menacé par une construction de Tadashi Kawamata

1. Albert Laprade (1883-1978)
Palais de la Porte Dorée, 1931
Les bas-reliefs sont d’Alfred Janniot
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

4/10/09 – Patrimoine – Paris, Palais de la Porte Dorée – L’un des plus beaux bâtiment des années 30, l’ancien Musée des Arts Africains et Océaniens, aujourd’hui devenu « Cité de l’Immigration » (ill. 1), est gravement menacé. La nouvelle coqueluche de l’art contemporain, Tadashi Kawamata, va affubler l’œuvre d’Albert Laprade, sur plus d’un tiers de sa façade, d’une rampe d’accès agrémentée d’une construction de pas moins de 8,50 mètres de haut et de 20 mètres de large. Cet édifice - appelé « le nid » ne va pas seulement dénaturer la façade, elle va également cacher en grande partie les bas-reliefs d’Alfred Janniot (ill. 2).

Le promoteur de ce projet n’est autre que Jacques Toubon, président de la Cité de l’Immigration. Celui-ci s’est rendu en personne, avant l’été, devant la Commission nationale des monuments historiques pour défendre son projet. Il y a déclaré sans rire que l’entrée actuelle était décourageante pour les jeunes tellement elle est monumentale, froide et solennelle. Il souhaite donc créer une entrée « ludique » (sic). Très habilement, il a laissé planer l’ambiguïté sur la pérennité de cette construction. Or, aucun document présentant le projet ne le qualifie de temporaire. Bien au contraire, on peut lire sur le site de la Cité de l’Immigration cette page, que : « ce serait la première œuvre pérenne de Kawamata en France » !

2. Tadashi Kawamata
« Le nid » plaqué contre la façade d’Albert Laprade
© Construire
Voir l´image dans sa page


La prose faisant l’apologie de ce projet mérite d’être largement citée tant elle semble prendre le lecteur pour un imbécile. Ce volume plaqué sur la façade, construit en bois, matériau fétiche de l’artiste, sera « transparent » (sic). Mieux, il « respecte[ra] et prolonge[ra] l’intégrité de l’œuvre d’Albert Laprade ». D’ailleurs, l’architecte « avait conçu un bâtiment déjà support de multiples interventions artistiques (des grilles de Jean Prouvé aux salons d’apparat d’Eugène Printz et Jacques-Emile Ruhlmann en passant par les reliefs d’Alfred Janniot ou les fresques de Pierre Ducos de la Haille) ». Sachant que tous ces artistes ont travaillé en équipe, cela revient à considérer qu’on pourrait faire la même chose sur la façade de Vaux-le-Vicomte puisque Le Vau avait, lui aussi, conçu un bâtiment déjà support de multiples interventions artistiques (des décors de Charles Le Brun au jardins d’André le Nôtre, en passant par les sculptures de François Girardon…).

3. Albert Laprade (1883-1978)
Atrium central du Palais de la Porte Dorée
Les mosaïques d’origine (à l’exception de celles sur le côté)
sont recouvertes d’un plancher
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

Depuis son réaménagement, le bâtiment, entièrement classé monument historique, avait déjà vu le superbe sol en mosaïque de l’atrium central caché par un plancher (ill. 3). L’Art Déco est décidément mal aimé par nos édiles. On rappellera pour mémoire la récente et lamentable destruction de l’Hôtel Reichenbach (voir brève du 4/6/09). On se demande à quoi sert la législation de protection du patrimoine. On s’interroge aussi sur l’utilité de la Commission nationale des monuments historiques : n’osant rien refuser à Jacques Toubon, et prenant pour argent comptant le caractère temporaire de la construction de Kawamata, elle a voté en faveur de celle-ci [1].

English version

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.