Le musée caché de la République

« Les œuvres des musées doivent être déposées dans les musées »
Christine Albanel, ministre de la Culture


La phrase mise en exergue de cette enquête a été prononcée par la ministre de la Culture en réponse à une question que nous lui avions posée lors de la conférence de presse du jeudi 29 janvier 2009 à propos du récolement des œuvres d’art. Or, ce qui suit le démontre clairement, il s’agit là d’un vœu louable mais pieux. On ne compte pas les œuvres des musées nationaux déposées, en toute irrégularité et parfois très récemment, dans des endroits (Elysée, Sénat, Assemblée Nationale, ministères, ambassades, préfectures, mairies, etc) où elles n’ont rien à faire.

Malgré l’accès facile aux données, aucune étude sur ces pratiques n’a jamais été menée... Les informations que nous publions ici sont en effet, pour la plupart, simples à trouver, et les emplacements des dépôts facilement accessibles. Les établissements concernés sont le Louvre, Orsay et Versailles mais nous pourrions probablement poursuivre l’enquête dans les autres musées nationaux. Nous nous sommes appuyé, pour établir une première liste, sur les catalogues des collections, où les dépôts sont en général signalés, sur les bases de données en ligne (celle d’Orsay est très complète sur ce point), sur les documentations accessibles au public et, en vérifiant ponctuellement certaines informations, directement auprès de ces musées. Nous avons ensuite, autant que faire se peut, contacté la plupart des dépositaires pour vérifier que certaines œuvres étaient toujours conservées chez eux, pour préciser leur emplacement et pour les interroger sur les raisons de ces dépôts. Il est toujours possible qu’un ou deux objets cités ici aient fait l’objet d’une restitution récente qui n’aurait pas été signalée, ou que son emplacement soit erroné ; cela ne changerait rien à nos conclusions.

Rappel des textes législatifs et règlementaires

Le décret n° 81-240 du 3 mars 1981 relatif aux prêts et aux dépôts d’œuvres des musées nationaux précisait déjà, il y a donc de cela près de trente ans, que les œuvres des musées nationaux ne pouvaient être déposées que dans les musées, les monuments historiques ouverts au public et les parcs et jardins des domaines nationaux [1].
Il était même précisé que ces dépôts ne pouvaient se faire que si le lieu était au moins placé sous la surveillance régulière d’un personnel scientifique de conservation et présentait les garanties de sécurité requises pour les œuvres déposées.

Conscient du fait que certains dépôts pouvaient être très anciens, le législateur avait prévu une période transitoire d’au maximum cinq ans (durée après laquelle un dépôt doit faire l’objet d’une nouvelle autorisation). En 1986 donc, tous les dépôts devaient satisfaire aux exigences décrites ci-dessus.
Deux exceptions étaient cependant prévues. La première : les objets déposés avant 1981 dans des édifices appartenant à l’Etat, aux départements ou aux communes pouvaient y être maintenus, sous réserve que ces œuvres soient exposées au public [2].
La seconde est précisée dans l’article 11 : « les œuvres des musées nationaux dont le comité consultatif des musées nationaux estime qu’elles ne sont pas nécessaires à la présentation des collections nationales peuvent être déposées au mobilier national qui en dispose dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur. »
Outre que la réglementation en vigueur interdit au Mobilier National de déposer toute œuvre exécutée avant 1800, l’esprit de cet article 11 est clair : une œuvre non nécessaire à la présentation des collections nationales est évidemment mineure. Néanmoins, cet article peut être pris comme prétexte pour justifier toutes les dérives, puisqu’il suffit d’un arrêté du comité consultatif des musées nationaux pour permettre le dépôt d’un chef-d’œuvre du XIXe ou du XXe siècle.

En 1996, une circulaire du Premier ministre précisait par ailleurs que : « Les dépôts d’œuvres des musées nationaux hors des musées ne sont aujourd’hui plus possibles. Aucune demande en ce sens ne doit donc être faite. » (voir P.S.)

En définitive, il est possible de résumer les dispositions règlementaires et législatives de la manière suivante :

 aucune œuvre ne peut être déposée depuis 1996 ailleurs que dans un musée ou un parc ou jardin d’un domaine national,

 aucune œuvre d’exécution antérieure à 1800 ne peut demeurer en dépôt ailleurs que dans un musée ou un parc ou jardin d’un domaine national, sauf si le dépôt est antérieur à 1981 et si l’objet est placé dans un édifice appartenant à l’Etat, à un département ou à une commune pour être exposé au public [3].

Comme les lois et règlements ne sont jamais simples,

 aucune œuvre d’exécution postérieure à 1800 ne peut demeurer en dépôt ailleurs que dans un musée ou un parc ou jardin d’un domaine national, sauf si le dépôt est antérieur à 1981 et si l’objet est placé dans un édifice appartenant à l’Etat, à un département ou à une commune pour être exposé au public, ou si elles ont été déposées avant 1996 au Mobilier National sur acte renouvelé

Ces dispositions ayant été confirmées par la loi musées de 2002, il s’avère, en résumé et pour faire simple, que le dépôt d’œuvres appartenant aux musées de France en dehors d’un musée ou d’un parc ou jardin d’un domaine national, est interdit, sauf si le dépôt en question est antérieur à 1981, et si l’objet est placé dans un édifice appartenant à l’Etat, à un département ou à une commune pour être exposé au public [4].

Il était un peu fastidieux, mais indispensable, de rappeler le droit. La ministre de la Culture, Christine Albanel l’avait d’ailleurs résumé dans la formule que nous faisons volontiers nôtre et que nous avons placée en tête de cet article. Comme nous le verrons, la réalité prouve qu’il en va tout autrement, et que des milliers d’œuvres, parmi lesquelles plusieurs centaines au moins sont d’une grande importance, sont actuellement déposées au mépris des règlements dans des bâtiments publics voire dans certains cas dans des appartements de fonction.
Cette situation est grave et injustifiable, d’autant qu’elle prive le public d’œuvres majeures, par ailleurs souvent menacées par des conditions de conservation problématiques et des mesures de sécurité insuffisantes.
Il existe deux organismes dont le rôle est de fournir du mobilier aux grandes institutions de l’Etat : le Mobilier National et le Fonds National d’Art Contemporain. Les musées n’ont pas vocation à se substituer ou à compléter les missions de ces deux établissements. Il est temps que ces pratiques cessent et que ces objets reprennent la direction des musées.


1. Fernand Cormon (1845-1924)
Portrait du peinte Lehoux, 1894
Huile sur toile - 80 x 65 cm
Oppède, Mairie (dépôt du Musée d’Orsay)
Photo : Musée d’Orsay
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Une précision supplémentaire est nécessaire : il n’est pas question ici de jeter l’opprobre sur les musées ni sur leurs responsables. La plupart des conservateurs ont hérité de cette situation sans pouvoir y faire grand-chose. Pour récupérer des œuvres qui leur appartiennent, en dépôt là où elles n’ont rien à faire, il leur faut négocier longuement avec les administrations dépositaires, qui refusent souvent, ou qui n’acceptent que moyennant un autre dépôt, tout aussi irrégulier.
Il serait aussi injuste de condamner systématiquement les responsables politiques ou les dépositaires. Bien que nul ne soit censé ignorer la loi, ceux-ci ne savent souvent rien de ces dispositions et pensent en toute bonne foi avoir le droit pour eux, d’autant qu’il s’agit souvent d’œuvres qu’ils ont toujours eu devant les yeux. Certains mêmes tombent des nues lorsqu’ils apprennent, à l’occasion d’un récolement, que le tableau placé dans leur bureau est un dépôt d’un musée national. Ainsi, le maire d’Oppède dans une lettre envoyée le 27 janvier 2004 au musée d’Orsay en réponse à un courrier lui demandant si le Portrait du peintre Lehoux par Fernand Cormon (ill. 1), était bien conservé dans sa mairie, répondait par l’affirmative en s’interrogeant « sur le fait qu’une toile appartenant à l’Etat soit présente à Oppède ». Il demandait qu’on lui précise l’historique de ce placement.
Certains maires pourtant, certains préfets, certains chargés de mission dans des ministères ou même certains présidents d’Assemblée font preuve d’une mauvaise foi inadmissible. Il est impossible, tant les œuvres sont nombreuses, d’être exhaustif. On se contentera donc de signaler les cas les plus choquants.

L’Albane de Christian Poncelet


2. Francesco Albani, dit L’Albane (1578-1660)
Allégorie de la Fécondité
Huile sur toile
Paris, Appartement privé du président du Sénat
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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L’Assemblée Nationale et le Sénat pourraient, à eux seuls, faire l’objet d’un article tant sont nombreuses les œuvres qui y sont déposées. Et dans ces lieux où se font les lois, leur non respect est encore plus intolérable.
L’exemple vient parfois de très haut. Depuis 1853, le Sénat conserve un tableau de l’Albane appartenant au Louvre (ill. 2). Cette Allégorie de la Fécondité n’a pas d’équivalent dans ce musée. Conservée dans les appartements privé du président du Sénat (Salon d’angle du 1er étage très précisément), il n’est évidemment pas accessible au public. Cela n’a pas empêché Christian Poncelet, alors titulaire de ce poste prestigieux, de se comporter comme en terrain conquis.
En décembre 2000, le département des peintures du Louvre proposait au Sénat, en échange du tableau de l’Albane venu au Louvre pour une exposition, de conserver celui-ci et de déposer soit une œuvre peinte d’après Marcantonio Franceschini, soit un autre Albane, Vénus et Adonis. Le Louvre agissait d’ailleurs fort diplomatiquement sans souligner qu’aucun de ces dépôts n’était plus légitime et qu’il aurait pu, tout simplement, garder l’Albane du Sénat sans rien demander à personne. On ne fâche pas le président du Sénat. Bien que cette offre fut déjà fort généreuse, celui-ci prit pourtant la mouche. Dans une lettre d’indignation belle comme l’antique, le chef de la Questure se plaignit auprès du ministre de la Culture d’alors, Jean-Jacques Aillagon, des mauvaises manières que lui faisait le Louvre. Après avoir expliqué qu’il prenait soin de ses dépôts (c’est bien le moins) et qu’il les « prêtait » généreusement (quelle magnanimité !), il se fendait d’une belle contre-vérité, affirmant sans sourciller que le Sénat « veill[ait] à ce qu’ils puissent être admirés très largement par les nombreux visiteurs du Palais du Luxembourg (300.000 par an). » La plupart de ces œuvres, conservées dans les bureaux de la Questure ou à dans les appartements du président ne sont pas visibles du public. Pour montrer leur grosse colère, les questeurs unanimes avaient donc décidé « de ne plus répondre favorablement pour l’instant aux demandes de prêts extérieurs qui l[eur] ser[aient] adressées. ». On ne mécontente pas le président du Sénat, on l’a déjà dit. Le ministre s’empressa donc de lui donner satisfaction, s’engageant à ce que ces vilaines manières ne se reproduisent plus, et présentant même ses excuses pour tous ces désagréments.
Ce tableau de l’Albane est toujours conservé dans l’appartement du président du Sénat, aujourd’hui Gérard Larcher, même s’il est retourné temporairement au Louvre pour être prêté au Prado jusqu’au 31 janvier 2010. Le Sénat nous a précisé que, cette fois, aucune œuvre n’avait été demandée en remplacement.


3. Giovanni Paolo Pannini (1691-1765)
Prédicateur au milieu de ruines à Rome
Huile sur toile
Paris, Bureau du président du Sénat
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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4. Giuseppe Cesari,
dit le Cavalier d’Arpin (1560/68-1640)
Présentation de la Vierge au Temple
Huile sur toile
Paris, Sénat
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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L’Albane ne doit pas cacher la forêt. La présidence du Sénat est un musée à elle toute seule, au bénéfice presque exclusif de son occupant. On y trouve en effet, plusieurs œuvres majeures, toutes déposées dans des lieux non accessibles au public hors circonstances exceptionnelles. Dans la salle à manger de la présidence, on voit deux très beaux tableaux de Charles Natoire, Les Trois Grâces et L’Air ou Junon, déposés en 1920 et dont un élément de la même série est conservé au musée d’Autun. Un Pannini superbe, Un prédicateur au milieu de ruines à Rome (ill. 3), est accroché dans le bureau du Président, un lieu dont on aura du mal à nous faire croire qu’il est ouvert au public…
Un grand retable du Cavalier d’Arpin, La Présentation de la Vierge au Temple (ill. 4), qui n’a pas son équivalent au Louvre, était dans l’appartement privé du Président. Cette toile n’est manifestement pas du goût de Gérard Larcher, puisque depuis octobre 2008 elle a été déposée, dans l’attente d’une « prochaine réaffectation, dans d’autres locaux du Sénat ».


5. Philippe Jacques de Loutherbourg (1740-1812)
Le passage du gué
Huile sur toile
Paris, Appartement d’un questeur du Sénat
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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6. Joseph Vernet (1714-1789)
Le matin, la pêche
Huile sur toile - 98 x 162 cm
Paris, bureau du Secrétaire général du Sénat
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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La Questure du Sénat est prompte à défendre les avantages acquis de son président. On la comprend, car les œuvres qui sont déposées dans ses propres locaux sont nombreuses, comme deux paysages d’Etienne Allegrain dans le bureau de l’un d’entre eux. Soulignons qu’un tableau de Philippe Jacques de Loutherbourg, Le passage du gué (ill. 5), se trouve dans l’appartement de fonction d’un questeur, sans doute amateur d’art, au 64, boulevard Saint-Michel. Le secrétaire général du Sénat n’est pas mal loti, puisqu’il bénéficie dans son bureau d’un tableau de Joseph Vernet, Marine, le retour de pêche (ill. 6), un beau tableau faisant partie d’un ensemble de quatre… dont les trois autres sont à l’Elysée, et de deux toiles d’Auguste Couder (Prise de Philipsbourg par les maréchaux d’Asfeld et de Noailles et Maurice de Saxe remet les clefs de la ville de Prague à l’électeur de Bavière). Ces localisations précises ne sont pas indiquées dans le volume très utile consacré au « Patrimoine du Sénat » aux éditions Flohic. Pas plus que ne le sont celles des œuvres publiées dans le « Patrimoine de l’Assemblée Nationale ».

A nos questions sur ces dépôts, le Sénat a répondu de manière très argumentée. On passera sur l’ancienneté des dépôts, qui est mise en avant et que nous ne contestons pas… sauf pour le tableau d’Auguste Roux, Louis-Philippe visitant le musée du Luxembourg, déposé en 2008 en échange d’un Portrait de Murat par Charles Lefebvre d’après François Gérard. Et pourtant, ce dernier tableau avait à peine regagné Versailles qu’il partait pour l’Elysée ! Non seulement un dépôt irrégulier est remplacé par un autre, mais il se retrouve, sans davantage de légitimité, envoyé ailleurs.
Car « le Sénat ne s’oppose pas […] à des demandes des musées de retour définitif pour exposer une œuvre de manière permanente dans leurs collections, sous réserve du dépôt d’une œuvre équivalente. » Cela est inexact (voir plus haut l’histoire de l’Albane que le Sénat s’est refusé formellement à rendre, même contre le dépôt d’une « œuvre équivalente »). La procédure de contre-partie est par ailleurs tout à fait anormale. La réglementation est claire : les œuvres déposées doivent être rendues, et aucun nouveau dépôt n’est autorisé. Ces demandes d’échange ne sont aucunement recevables.
Le Sénat précise également que plusieurs des dépôts qu’il conserve sont « exposés dans des lieux « ouverts » (sic), c’est-à-dire des endroits recevant régulièrement des visiteurs. Cela n’est évidemment pas suffisant : présentez-vous à l’entrée du Sénat en demandant à voir les tableaux dans les bureaux de la présidence ou des Questeurs, ou même à la buvette des parlementaires (où se trouve un grand tableau d’Edouard Detaille, Sortie de la garnison de Huningue, le 20 août 1815 - ill. 7, un dépôt d’Orsay) : vous serez aimablement éconduit. Rappelons que la loi de 1981 indique clairement que, même dans les monuments historiques ouverts au public (ce qui, répétons-le, n’est pas le cas du Sénat), les objets ne peuvent faire l’objet d’un dépôt qu’« en vue [5] de leur exposition au public ». Il s’agit d’une condition clairement exposée. Nul ne fera croire qu’un tableau accroché dans un bureau du Sénat l’a été avec pour objectif ’une présentation au public.


7. Edouard Detaille (1848-1912)
Sortie de la garnison de Huningue, le 20 août 1815
Huile sur toile
Paris, buvette du Sénat (dépôt du Musée d’Orsay)
Photo : RMN
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Le Sénat se justifie également en soulignant que : « lorsque les Musées déposants demandent le prêt des œuvres [qui y sont déposées] pour des expositions temporaires, [celui-ci] donne pratiquement toujours une suite favorable. ». Prêter des œuvres qui ne vous appartiennent pas à la demande du propriétaire semble juste la moindre des choses (on a vu cependant que le Sénat menace parfois de ne plus le faire). Il affirme également que « ces œuvres mises en dépôt au Sénat sont restaurées régulièrement dans les ateliers des musées déposants ou par des restaurateurs désignés par ces derniers aux frais du Sénat qui contribue ainsi à la restauration et à la protection de ce patrimoine national. » Là encore, c’est bien le moins mais cela n’est aucunement une raison, d’autant que les dépositaires sont toujours tenus d’assurer l’entretien des œuvres qui leur sont déposées.

La dernière justification vaut également d’être citée : « A l’inverse on rappellera que plusieurs œuvres du patrimoine historique du Palais du Luxembourg se trouvent aujourd’hui dans les collections permanentes des musées. » Cette réciprocité, ne justifie rien : aucune loi n’interdit au Sénat de déposer des œuvres dans des musées, il s’honore même à le faire et il est tout à fait normal que certaines œuvres muséales soient montrées dans un musée. C’est ainsi que le Salon du Roi de Rome, qui comprend 21 sièges en velours peint et 8 tentures peintes a été déposé en 1984 à Fontainebleau (il était depuis 1933 au château de Malmaison) et qu’un tableau d’Emile Friant, En pleine nature, a été déposé en mars 2006 au musée départemental Georges de La Tour à Vic-sur-Seille pour cinq ans renouvelable.
Le troisième exemple donné par le Sénat de ses « dépôts » n’a aucun fondement, puisque celui-ci se targue d’avoir déposé au Louvre rien moins que la Vie de Marie de Médicis de Rubens. Ces tableaux, même s’ils viennent du Palais du Luxembourg, sont évidemment la propriété pleine et entière du musée. A ce compte, toutes les peintures provenant de la collection royale seraient des dépôts de Versailles au Louvre.

L’Assemblée Nationale

Comme le Sénat, les locaux de l’Assemblée Nationale sont remplis de dépôts irréguliers. Contrairement au Sénat en revanche, l’Assemblée ne nous a pas confirmé la localisation précise des œuvres.

En 2005, l’Assemblée jeta son dévolu sur deux sculptures du château de Versailles. Il s’agissait des portraits en pied, en marbre, de Jean-Etienne-Marie, comte Portalis et de François-Denis Tonchet respectivement par Louis-Pierre Deseine et Philippe-Laurent Roland. Il s’agissait, comme on nous l’a dit le service communication de l’Assemblée, de « les placer dans le Salon Casimir Périer pour remplir deux niches vides depuis un siècle. » C’est ainsi que ces sculptures ont été enlevées de leurs socles d’origine qui sont encore visibles à Versailles [6]. En 1997, plusieurs bustes de présidents de la République, l’un (Gabriel Doumergue), sculpté par Denis Puech, avaient connu le même sort. Ces sculpture ont quitté le château en toute irrégularité.


8. François Boucher (1703-1770)
La Musette
Huile sur toile - 88 x 115 cm
Paris, Assemblée Nationale (dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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Nous ne citerons ici que les plus importantes œuvres déposées au Palais-Bourbon. On y voit notamment deux très beaux François Boucher, Bergère endormie et La Musette (ill. 8) qui étaient en 2002 dans l’appartement de fonction du Secrétaire Général et sont aujourd’hui, d’après la réponse de l’Assemblée Nationale, dans l’Hôtel de Lassay. Notons à ce propos que l’on nous a assuré qu’aucune œuvre n’ornait les appartements de fonction, mais qu’on en trouvait dans les appartements officiels du président ou des Questeurs. La différence entre les deux est la suivante : l’appartement officiel est meublé par l’Etat car il est destiné à l’organisation des missions de l’occupant des lieux, indépendamment du fait qu’il y habite ou non [7]. Notre interlocuteur a admis que « le degré d’ouverture au public des appartements officiels est évidemment réduit, hors invitations ».

On trouve également à l ’Assemblée deux tableaux de François Desportes dans la salle à manger du Petit Hôtel ; une toile de Jean-Baptiste Pater, L’Escarpolette dans un des bureaux de la Questure ; un important tableau d’Adrien Dauzats, Mosquée d’el Asar au Caire, qui se trouve également dans l’Hôtel de la Questure ou encore un chef-d’œuvre de François-André Vincent, Le président Molé, saisi par les factieux, au temps des guerres de la Fronde. Le Louvre ne peut présenter aucun tableau du peintre néoclassique suisse Jean-Pierre Saint-Ours alors que David apprenant la mort de Saül, condamne à mort le messager amalécite de cet artiste, qui appartient à Versailles, était lors du dernier récolement conservé dans une réserve de l’Assemblée rue Saint-Dominique !

On mettra à part les cas un peu particulier de deux grands tableaux : La Mort de Socrate par Pierre Peyron et Œdipe et Antigone de Charles Thévenin. Ces œuvres ont en effet été déposées en 1799 au Palais Bourbon et ne l’ont pas quitté depuis. On peut donc légitimement estimer, dans ce cas précis, que l’inscription sur les inventaires du Louvre est davantage une curiosité historique qu’une réalité.

Il est juste de signaler, pour conclure ces deux chapitres consacrés au Parlement, que le Sénat et l’Assemblée Nationale ont rendu au château de Versailles les œuvres qui étaient déposées dans les locaux récemment restitués par le Parlement.

L’Elysée et Matignon


9 . Hubert Robert (1733-1808)
Vue d’un parc,
le jet d’eau

Huile sur toile - 168 x 59,5 cm
Paris, Palais de l’Elysée
Photo : RMN
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Restons au sommet de l’Etat, au plus haut même puisque l’Elysée, lieu assez peu ouvert au public (rappelons que l’on ne peut même pas passer à pied sur le trottoir qui longe la façade), est tout autant dans l’irrégularité que les deux Assemblées. Si un Francesco Guardi a pu retourner au Louvre après l’exposition consacrée à la collection La Caze et est aujourd’hui exposé dans les salles, de nombreuses œuvres, parfois de premier plan, y sont encore conservées. Il est peu probable que celles-ci intéressent réellement l’occupant de ces lieux. Peut-être est-ce mieux ainsi lorsque l’on se rappelle l’interventionnisme permanent de Bernadette Chirac dans ce domaine.
On trouve en effet aujourd’hui à l’Elysée non seulement un grand Hubert Robert, Vue d’un parc. Le jet d’eau (ill. 9) envoyé en 1979, mais également deux autres tableaux de ce peintre dont l’un fut déposé en 1993 et l’autre en 1998, soit après le décret interdisant ce type de pratique (Intérieur de parc romain et Paysage. La cascade). La demande émanait directement de Jacques Chirac qui souhaitait meubler le Salon vert de l’Elysée qui venait d’être restauré. C’est son épouse elle même qui se chargea de recevoir le conservateur en charge de l’opération et qui lui fit d’ailleurs connaître son « intérêt pour les portraits », ce qui amena ce dernier à lui proposer un tableau d’après Louis-Michel Van Loo. L’essentiel était atteint : Madame Chirac se montra satisfaite de cet accrochage, qui se transforma donc en dépôt au Mobilier National, puis à l’Elysée.

On a vu, au début de cet article, ce qu’il convient de penser de ces dépôts via le Mobilier National, surtout lorsqu’il s’agit d’œuvres antérieures à 1800. La fiction juridique peut aller parfois très loin. Ainsi, des arrêtés sont pris régulièrement par le ministère de la Culture pour donner une apparence de régularité aux dépôts. Prenons l’exemple de celui de plusieurs sculptures du Louvre faisant l’objet d’un arrêté (n° 200601572) daté du 26 décembre 2006 pour autoriser le renouvellement d’un dépôt consenti par arrêté le 1er janvier 1951 à Matignon. L’introduction de ce texte le justifie en faisant appel à quatre décrets différents. On lit d’ailleurs plus loin que la première autorisation de dépôt n’avait jamais été renouvelée depuis 1951. Le plus curieux peut-être est la présence parmi ces sculptures déposées de deux bronzes de Barye, Ocelot emportant un héron et Taureau debout, qui ont pourtant disparu depuis au moins 1996. Inutile de s’inquiéter puisque ces bronzes perdus ont fait l’objet d’un nouveau dépôt, totalement fictif, à Matignon. Il semble d’ailleurs que leur vol n’a donné lieu à aucun dépôt de plainte.

De nombreuses peintures sont en dépôt à l’Elysée. On y voit notamment, venant du Louvre, un François Desportes, Fruits et gibiers, un tableau de Jacques Dumont le Romain, L’Abondance, trois paysages de Joseph Vernet, Le midi, Le soir et La nuit dont nous avons déjà parlé puisque le quatrième élément est au Sénat (ill. 6).
Il est évident, en revanche, que les deux tableaux d’Alexandre-Hyacinthe Dunouy qui avaient été placés à l’Elysée par la famille Murat (La colonne Trajane dans un paysage et Vue du château de Berg sur les bords du Rhin) et qui sont encastrés dans des boiseries doivent y rester. Ils font partie de l’histoire et du décor de ce monument.
Rappelons enfin que le Herminie et Valfrino soignent les blessures de Tancrède après le combat d’Argante de Pier-Francesco Mola, déposé à l’Elysée en 1875 y avait disparu dans les années 1950, pour se retrouver, suite à un don en 1961, au De Young Museum de San Francisco. Ce tableau fut finalement restitué au Louvre en 1986.

Le Pavillon de la Lanterne à Versailles, que le Président de la République s’est attribué récemment aux dépens du Premier ministre, est également bien pourvu. On y trouve encore un Hubert Robert déposé en 1946, un Jean-Baptiste Monnoyer (Vase d’argent aux armes de France orné de Fleurs) et quelques tableaux de moindre importance comme un paysage de Simon Lantara.

10. Giovanni Battista Busiri (1698-1757)
Le Temple de la Sybille et les cascades de Tivoli
Huile sur toile - 97 x 73 cm
Paris, Hôtel Matignon, bureau d’un conseiller
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : C2RMF
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11. Pierre Gobert (1662-1744)
Portrait de femme en source
Huile sur toile
Paris, Hôtel Matignon
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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Si le Premier ministre a perdu la Lanterne, il reste riche en œuvres d’art injustement soustraites aux musées nationaux. Pas seulement à son profit, d’ailleurs. Ses conseillers bénéficient également des largesses de la République. On se souvient en effet de l’épisode épique du Giovanni Battista Busiri (ill. 10) qui faillit ne pas venir à l’exposition des Peintres de la Réalité où il était attendu, parce qu’un conseiller de Matignon refusait de se séparer d’un tableau qui se trouvait dans son bureau (voir brève du 23/11/06). On alla même jusqu’à lui proposer un Corot en échange, ce qui n’était pas assez bien pour lui. Il s’agissait bien d’un refus du conseiller, non du Premier Ministre de l’époque, et l’on nous a confirmé à Matignon qu’aujourd’hui toute demande de prêt est acceptée. On mesure cependant à cet épisode l’invraisemblable morgue de quelques-uns de ces « serviteurs de l’Etat » qui s’approprient indûment des œuvres qui devraient se trouver aux cimaises des musées. Le Busiri est, depuis, retourné à Matignon [8], rejoindre son pendant…
Pièce 113 au 58, rue de Varenne, on verra également un Portrait de femme en source de Pierre Gobert (ill. 11), peut-être le chef-d’œuvre de l’artiste ; au premier étage, dans le couloir fumoir, on trouvera un Autoportrait présumé d’Alexis Grimou. A propos de ce dernier, on remarquera que le tableau du mois de novembre 2004 au Louvre était consacré au don récent d’un portrait de Grimou qui permettait « de représenter de manière convaincante le peintre dans les collections du Louvre… » Matignon conserve aussi un Paysage fantastique avec des ruines de Jacques de Lajoüe.


12 . Nicolas de Largilliere (1656-1746)
Portrait du comte de la Châtre
Huile sur toile
Dépôt du Musée du Louvre à l’Hôtel Matignon,
détruit dans un incendie en 2001
Photo : RMN
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Un superbe Portrait de Pierre de Bérulle par Hyacinthe Rigaud, déposé en 1993 avec les deux Busiri (et plusieurs autres tableaux), avait été restauré en 2003. En 2004, lors du récolement, on constata qu’il avait souffert de plusieurs griffures ! Au moins existe-t-il encore. Ce n’est hélas plus le cas des deux tableaux de Nicolas de Largilliere (ill. 12) qui disparurent en 2001 dans un incendie survenu à Matignon dans un bureau. Pas de chance dira-t-on ? Sauf que ces tableaux n’auraient jamais dû se trouver là si la loi avait été respectée. Evidemment, personne n’est responsable leur la disparition. Les services du Premier ministre ont acheté, en compensation, deux tableaux [9].

Matignon conserve aussi, dans le jardin, depuis 1935, une statue de Pierre Lepautre représentant Méléagre, qui provient de Marly et fut un temps exposée aux Tuileries. Outre l’irrégularité de ce dépôt (Matignon n’est pas un jardin public hélas), l’œuvre souffre de la pollution. La plupart des sculptures antérieures au XIXe siècle des Tuileries sont revenues au Louvre et ont été remplacées par des copies. Si le Premier ministre tient à conserver son Méléagre, c’est évidemment cette solution qui doit être retenue.


Les Ministères


13. Nicolas Lancret (1690-1743)
La leçon de flûte
Huile sur toile
Paris, ministère des Affaires Etrangères
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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Il n’y a pas que le premier d’entre eux qui bénéficie d’œuvres de musées. Les autres ministres sont souvent bien pourvus. Notons cependant que celui de la Culture, qui pourrait en profiter aisément, est parfaitement vertueux. Nous n’y avons identifié aucun dépôt.
On ne peut en dire autant, par exemple, de celui des Affaires Etrangères [10]. Dans le Salon rouge de l’appartement du ministre, on trouve une toile de Nicolas Lancret, La Leçon de flûte, qui appartient au Louvre (ill. 13). On peut y voir aussi un Jean-Baptiste Oudry (Chien en arrêt sur un faisan) et deux paysages de Jean-François de Troy, sans oublier les œuvres conservées dans les ambassades (voir plus loin). Très récemment, en 2008, un tableau d’Edouard Dubufe, Le Congrès de Paris (ill. 14) a été déposé par Versailles [11]. Répétons-le encore et encore : un tel dépôt est interdit.


14. Edouard Dubufe (1819-1883)
Congrès de Paris, 25 février au 30 mars 1856
Huile sur toile - 308 x 510 cm
Paris, Ministère des Affaires Etrangères
(dépôt du Musée de Versailles)
Photo : RMN
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Un très important Pierre Peyron du Louvre, ce rival malheureux de David, Le Temps et Minerve qui n’accordent l’immortalité qu’à ceux qui ont bien mérité de leur patrie, se trouve au ministère de la Défense, Hôtel de Brienne ; un Pannini (un de plus !) était en 2005 au ministère de l’Emploi, dans la Salle à Manger du ministre. Un buste en marbre d’Augustin Dumont, Jeune fille couronnée de primevères est posé sur la cheminée d’un collaborateur du ministre de l’Education Nationale. En 1998, le ministre des Dom-Tom pouvait déjeuner dans son appartement de fonction en face d’un grand Corot, Danse des bergers de Sorrente. Ce tableau est toujours déposé dans ce ministère même si, en l’absence de réponse à nos questions, nous ne pouvons certifier qu’il se trouve encore à cet emplacement précis.
Quant au Renaud et Armide de François-André Vincent, exposé au Salon de 1787 et déposé au ministère de l’Intérieur, il a aujourd’hui disparu ! Une plainte a été déposée en 2006.

Le Conseil d’Etat


15. César Van Loo (1743-1821)
Paysage : clair de lune avec goupe de figures se
chauffant près d’un feu

Huile sur toile - 140 x 97 cm
Paris, Conseil d’Etat (dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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Voilà encore une institution qui se devrait de montrer l’exemple : le Conseil d’Etat est en effet chargé de conseiller le gouvernement en matière de droit. Il est donc curieux qu’il l’ignore dès qu’il s’agit des tableaux du Louvre. En 2007, après sa présentation au Grand Palais pour l’exposition Mélancolie, Temple en ruines avec paysans autour d’une marmite d’Hubert Robert fut jugé trop fragile pour être remis dans le locaux du Conseil d’Etat où il avait été déposé en 1987 (six ans donc, après que cette pratique fût interdite !). Et il fallut pourtant déposer une autre toile en remplacement, un Clair de lune avec groupe de figures de César Van Loo (ill. 15). Le rapport de gestion du Louvre pour 2006, que l’on trouve en ligne ici, ne cache rien de ce qu’il faut appeler un véritable scandale (p. 234). On peut y lire en effet : « en contrepartie [du tableau d’Hubert Robert], le département des Peintures a déposé dans des conditions de conservation laissant à désirer (le tableau est accroché sur le mur d’un bureau très ensoleillé) le Clair de lune avec groupe de figures de César Van Loo, une importante œuvre de l’artiste puisqu’il s’agit de son morceau de réception à l’Académie, qui a bien plus, il faut le dire, sa place dans un musée. » Nous avons souligné les meilleurs morceaux, qu’il faut bien reformuler : le Conseil d’Etat a bénéficié d’un dépôt du Louvre, choses absolument interdite par la loi, et ce tableau important est mis en danger par ce dépôt. Cela est tout bonnement ahurissant. Ce tableau doit revenir au Louvre de manière urgente, sans aucune contrepartie.


16. Ary Scheffer (1795-1858)
Portrait d’Odilon Barrot
Huile sur toile - 140 x 97 cm
Paris, Conseil d’Etat
(dépôt du Musée du château de Versailes)
Photo : D. R.
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Le Conseil d’Etat ne « conserve » pas que ce Van Loo. On y trouve également un grand tableau de Merry Joseph Blondel, Fontaine et Napoléon Ier au Palais-Royal, un Portrait d’Odilon Barrot par Ary Scheffer (ill. 16), un tableau d’Auguste Couder déposé par Versailles, Installation du Conseil d’Etat au palais du Petit-Luxembourg… Notre interlocuteur au Conseil d’Etat nous a confirmé que ces œuvres y sont bien conservées, et a confirmé que certaines d’entre elles sont accrochées dans des bureaux, et ne sont visibles paraît-il que lors des journées du patrimoine. Il a reconnu que cela n’était effectivement pas conforme à l’esprit, ni même à la lettre, de la loi. Bonne foi très partielle puisqu’il a affirmé dans le même temps que plusieurs tableaux étaient visibles sans difficulté, soulignant que le Conseil d’Etat était ainsi un monument historique « ouvert au public ». Bien évidemment, lorsque nous nous sommes présenté (sans nous faire annoncer) à l’entrée du Conseil d’Etat en indiquant que nous souhaitions « entrer pour voir les tableaux exposés dans les salles ouvertes au public », on nous a quasiment ri au nez, en nous précisant que nous devrions revenir… pour les Journées du Patrimoine.

Des tableaux envoyés à l’étranger


17. Noël-Nicolas Coypel (1690-1734)
Une Nymphe et l’Amour, 1734
Huile sur toile - 72 x 56 cm
Paris, ambassade de Turquie
(dépôt du Musée du Louvre)
Photo : D. R.
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Les Ambassades sont des lieux où l’on trouve beaucoup de tableaux des musées nationaux. Il s’agit même parfois d’ambassades étrangères... Comment peut-on justifier le dépôt de plusieurs tableaux d’Orsay et du Louvre à celle de Turquie, à Paris ? On y trouve notamment deux Noël-Nicolas Coypel, L’Innocence et l’Amour et Une Nymphe et l’Amour (ill. 17) Nous avons appelé le 19 mars cette ambassade pour demander à voir ces tableaux, ainsi que le Gaspar Pieter Verbruggen, ou encore l’Albert Besnard (Jeune fille à la fenêtre) légué en 1911 aux musées nationaux . Nous attendons toujours une réponse.

Les œuvres déposées dans des ambassades françaises à l’étranger ne sont pas davantage accessibles. Inutile d’espérer revoir un jour La Piscine probatique de Giovanni Paolo Pannini qu’on a osé envoyer en 1978 à l’ambassade de France en Malaisie, où il a disparu, comme est introuvable le Château de Lugagnan dans la vallée d’Argelès d’Achille Bénouville envoyé à l’ambassade de France à Londres. Cette dernière reste pourtant l’une des mieux loties en œuvres enlevées aux musées nationaux. On y trouve un Constant Troyon, un Louis Français, un portrait par Joseph-Désiré Court, deux pendants d’Hubert Robert, le Portrait présumé du grammairien Dumarsais par Louis Tocqué déposé seulement en 1976, deux Paysages avec figures de Michele Pagano… Cette liste n’est pas exhaustive.
Autre ambassade très bien pourvue, sans doute par la grâce de Dieu, celle près le Saint-Siège au Vatican. On y voit notamment (ou plutôt on n’y voit pas car le public n’y est évidemment pas admis) deux beaux pendants de Nicolas Lancret, Conversation galante et La clochette (conte de La Fontaine) ainsi qu’un Jean-Baptiste Monnoyer. Au hasard, on pourrait citer aussi Le Passeur de Corot et Un baptême à l’église du Tréport d’Eugène Isabey à Copenhague ; Vue de la porte Saint Paul à Rome, effet du matin du Comte Auguste de Forbin à Tel Aviv (ill. 18) ; L’anneau de l’Empereur Charles-Quint de Pierre Revoil, à Madrid11 ; encore un Hubert Robert à La Haye ; deux Claude-Guy Hallé (Jeux d’enfants, la Pêche et Jeux d’enfants, le Saut du Chien), Prise de Saverne d’Eugène Devéria à Berlin…

18. Auguste de Forbin (1777-1841)
Vue de la porte Saint-Paul à Rome, effet du matin
Huile sur toile
Tel Aviv, ambassade de France (dépôt du Musée du Louvre)
Photo : RMN
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Il n’est cependant pas nécessaire d’être ambassadeur pour bénéficier des largesses artistiques de la République : le représentant permanent de la France à l’ONU peut se vanter de décorer son appartement avec deux Corot appartenant au Louvre. Ces deux tableaux ont été envoyées à New York en 1962 avec leurs cadres d’origine. Lors du récolement des œuvres du Louvre effectué en 2002, il a été constaté que, pour une raison inexplicable et à une date inconnue, les deux cadres avaient été enlevés et remplacés, et se trouvaient dans un dépôt, en mauvais état de surcroît. Aujourd’hui ces bois dorés sont revenus au Louvre. Mais sans les toiles, qui décorent toujours l’appartement du diplomate.


19. Eugène Thirion (1813-1879)
Moïse sauvé des eaux, vers 1885
Huile sur toile - 105 x 230
Rome, ambassade de France (dépôt du Musée d’Orsay)
Photo : RMN
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Au crédit du Palais Farnèse, rapportons cette histoire qui montre le devenir problématique de certaines œuvres mais aussi, plus rarement, le réel intérêt qu’y portent parfois leurs dépositaires. En 1996, lors d’un récolement mobilier effectué dans ce palais, on y découvrit, « dans une des nombreuses caves », un important tableau d’Eugène Thirion représentant Moïse sauvé des Eaux (ill. 19) sans doute déposé là depuis fort longtemps. Le ministère des Affaires Etrangères ne mégota pas, et c’est tout à son honneur. Le responsable avertit en effet le Louvre (il s’agissait en réalité d’un tableau relevant du musée d’Orsay) qu’il s’était « aussitôt empressé de mettre [le tableau] en lieu sûr et de [le] protéger autant que possible ». Il précisa encore que l’œuvre « [était] en mauvais état […] et que le ministère des Affaires Etrangères [souahaitait] financer sa restauration pour permettre à terme sa réexposition dans un des salons du Palais Farnèse. » [12]

20. Jean Lecomte du Nouÿ (1842-1923)
Les porteurs de mauvaises nouvelles, 1871
Huile sur toile - 74 x 121 cm
Tunis, ministère des Affaires Culturelles
(dépôt du Musée d’Orsay)
Photo : D. R.
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Pour terminer ce chapitre consacré aux œuvres déposées à l’étranger hors d’un musée, il faut dire un mot de celles dont la localisation est liée à l’histoire de la décolonisation. C’est, par exemple, le cas d’un des plus importants tableaux de Jean Lecomte de Nouÿ, Les porteurs de mauvaises nouvelles (ill. 20) déposé à Tunis et qui y resta au moment de l’Indépendance. Ce tableau, qu’on a longtemps cru disparu (il est signalé comme tel dans l’ouvrage de Roger Diederen sur Lecomte du Nouÿ – voir l’article) est en réalité toujours conservé au ministère des Affaires Culturelles tunisien. Il n’y a aucune raison qu’il ne puisse pas retourner à Orsay, où il manque clairement.
Enfin, en Syrie, au collège français des Lazaristes de Damas, se trouve depuis 1927 une œuvre du peintre suédois Hugo Salmson, Première communion, qui appartient au Musée d’Orsay. Pour des raisons de coût, ce tableau n’a même pas pu revenir en France à l’occasion de l’exposition du Palais des Beaux-Arts de Lille, Echappées Nordiques, où il avait pourtant toute sa place.

Les préfets aiment les tableaux


21. Albert Edelfelt (1854-1905)
Service divin au bord de la mer, 1881
Huile sur toile - 122 x 180 cm
Colmar, Préfecture (dépot du Musée d’Orsay)
Photo : Didier Rykner
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A cette même exposition, on pouvait voir une toile d’un artiste nordique de la fin du XIXe siècle, Albert Edelfelt (ill. 21), déposée à la préfecture de Colmar.
Mais la préfecture la mieux lotie est celle de Chambéry, qui conserve notamment deux grands tableaux de Joseph-Marie Vien Deux jeunes grecques font le serment de ne jamais aimer et Deux amants vont s’unir à l’autel de l’Hymen (ill. 22) faisant partie d’une série de quatre tableaux peints pour le pavillon de Madame du Barry à Louveciennes. On y voit aussi un Moïse sauvé des eaux de Jean-Jacques Lagrenée, dit le Jeune, aux respectables dimensions (327 x 260 cm) ;

22. Joseph-Marie Vien (1716-1809)
Deux amants s’unissant à l’autel de l’hymen, 1774
Huile sur toile - 270 x 240 cm
Chambéry, Préfecture (dépot du Musée du Louvre)
Photo : D. R.
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Nous avons appelé la préfecture de la Savoie où l’on nous a confirmé que ces œuvres ne pouvaient pas être vues, si ce n’est pas les invités du préfet. Lorsque nous avons demandé pourquoi ces œuvres qui devaient être présentées au public ne l’étaient pas, on nous a affirmé avec beaucoup d’aplomb : « elles sont exposées au public lors des journées du patrimoine ». Une réponse pratique, souvent utilisée par les dépositaires. Or, bien évidemment, les œuvres conservées dans un bâtiment ouvert au public pour les journées du patrimoine (c’est-à-dire au mieux deux jours par an) ne peuvent pas être considérées avoir été déposées « en vue de leur exposition au public ».
Fort heureusement, l’un des chefs-d’œuvre de François-André Vincent, L’Enlèvement d’Orythie, qui était déposé comme les précédents tableaux depuis 1867 à la préfecture de Chambéry et exposé dans l’escalier, a été rendu à un musée, celui des Beaux-Arts de Rennes, depuis juillet 2008. En échange, deux œuvres du FNAC, Calme et sérénité par Maurice Chabas et Le trous à terre de Jean-Maxime Relange ont été déposées à Chambéry, solution tout à fait acceptable, et surtout légale, bien davantage que celle prévue à l’origine qui prévoyait que Rennes enverrait un tableau en échange. Le Vincent sera accroché à Rennes lors du prochain réaménagement dans les salles libérées par le musée de Bretagne. Ce ne sera malheureusement pas le cas du Jean-Baptiste Regnault, Alcibiade arraché par Socrate du bras de la Volupté, qui a disparu de la préfecture de Chambéry depuis au moins 1974.

On citera encore Lilia, de Carolus-Duran, à la préfecture de Privas et un Jean-Paul Laurens, Les Gibelins,qui se trouve à la sous-préfecture de Rochechouart depuis 1920.

Des mairies bien pourvues

23. Alfred de Curzon (1716-1809)
Psyché
Huile sur toile - 159 x 96 cm
Sermaize-les-Bains, Mairie
Photo : Musée d’Orsay
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Contrairement aux ministères ou aux ambassades, et plus encore que les préfectures, les mairies sont souvent en partie accessible au public. On pourra donc difficilement faire grief à celle de Sermaize-les-Bains de conserver plusieurs tableaux du musée d’Orsay même si l’on se demande bien ce qu’ils y font. On peut en effet les voir dans la Salle des Mariages où l’on accède sur demande. Psyché d’Alfred de Curzon (ill. 23), notament trouverait pourtant sans difficultés un musée pour l’héberger.
Le Retour du berger d’Henri Duhem déposé par Orsay à la mairie de Sion les Mines, était « trop sombre » et ne plaisait guère aux conseillers municipaux (il était accroché dans la salle du conseil). Ils ont donc décidé de s’en débarrasser en le renvoyant à Paris. Le 17 avril 2007, le maire écrivait à la directrice du Fonds National d’Art Contemporain : « Considérant ne pas avoir les moyens de conserver dans de bonnes conditions les œuvres d’art nous ayant été confiées par l’Etat […] je vous serais reconnaissant de bien vouloir procéder à leur récupréation par vos services afin qu’elles puissent être entretenues et valorisées. » qui transmettait cette demande au Musée d’Orsay le 20 juin 2007. Le tableau ne semble pas encore avoir été récupéré et est actuellement conservé dans le grenier de la mairie. Il existe au moins un musée, celui de Douai, qui serait ravi de se le voir déposer puisque Henri Duhem est né dans cette ville et qu’il est l’un des donateurs du musée.

Il serait fastidieux de citer toutes les œuvres déposées dans des mairies en France par les musées nationaux. Il s’agit essentiellement de tableaux ou de sculptures appartenant aujourd’hui au Musée d’Orsay, souvent secondaires. Parmi les toiles les plus intéressantes, on notera, outre celles déjà citées : un paysage de Léon Bonnat, Pays basque, à Vichy ; un joli tableau de Jules Lefebvre, Nymphe et Bacchus ; Le grand-père de Pascal Dagnan-Bouveret qui se trouve à Bar-sur-Aube. On peut lire sur la fiche de récolement établie en 2006 que « L’œuvre présente de nombreuses lacunes. Des craquelures sont visibles sur l’ensemble du tableau (surtout dans la partie basse). Des boursouflures avec décolement de peinture sont visibles à mi-hauteur. [...] [Elle] est entreposée au sol avec d’autres tableaux, à côté d’un poste d’ordinateur. Sa protection est sommaire puisqu’il est protégé par un simple film en papier »....
S’il ne s’agit pas d’œuvres aussi fondamentales que celles dont nous avons parlées auparavant, nul doute qu’elles pourraient trouver des musées volontaires pour les prendre en dépôt.

Que conclure ?

Il est donc avéré que les œuvres déposées avant 1981 hors des musées satisfont très rarement à l’exigence d’être montrées au public. Nous n’avons étudié ici que trois musées nationaux, et seulement le cas des tableaux et des sculptures. Si l’enquête devait être étendue aux autres musées nationaux ainsi qu’aux meubles et objets d’art, nul doute que le constat serait encore plus édifiant.
Il ne faut pas oublier non plus les musées de région, dont les collections ne semblent même pas bénéficier de la protection - toute relative - de la loi. Rien n’interdit a priori un maire ou un président de Conseil Général de se servir dans « son musée » et on se doute que cela ne doit pas être facile pour le conservateur de résister à ces demandes.

Seul le retour ou le maintien d’œuvres in situ, à l’endroit pour lequel elles ont été conçues ou auquel elles appartiennent historiquement devrait faire exception à la règle de l’exposition au public. C’est notamment le cas des tableaux commandés pour l’Hôtel de Ville de Versailles en 1725 dus à quelques-uns des meilleurs peintres de l’époque, de ceux qui décorent la chapelle de l’Ecole Militaire ou encore du Monument funéraire du Cardinal Mazarin de Coysevox, Le Hongre et Tuby qu’il ne faut évidemment pas reprendre à l’Institut. On peut citer aussi l’exemple du Conseil Général du Rhône, qui a hérité du bâtiment de la préfecture où étaient conservés, depuis la fin du XIXe siècle, deux grands tableaux de Jean Restout. Ces œuvres sont présentées dans une pièce où elles sont incluses dans des boiseries depuis l’époque de la construction de l’édifice, ce qui rendrait très discutable leur retour dans un musée.

Certains dépositaires se justifient, comme nous l’avons vu, en affirmant que des visites sont régulièrement organisées dans leurs locaux, que ceux-ci sont ouverts pour les journées du patrimoine ou même que les hôtes officiels peuvent admirer ces œuvres. Ces arguments sont irrecevables. Les œuvres des musées doivent être visibles par tous ceux qui le souhaitent et leur dépôt doit être fait en vue de leur exposition. Il s’agit souvent aussi de respecter les donateurs : peut-on réellement croire que leur générosité était destinée à un ministère ou à une ambassade ?

Les dépôts irréguliers ne sont pas seulement choquants sur le plan du droit, ils mobilisent énormément de ressources qui pourraient être utilisées bien plus utilement ailleurs. Dans chaque musée national, un conservateur est en charge des dépôts. Il faut régulièrement aller vérifier leur présence sur place, s’occuper de leur restauration, échanger sans fin avec les administrations... Le travail est bien plus lourd que pour les œuvres conservées dans le musée et pour un résultat sans aucun intérêt pour le public.
Même si ces dépôts étaient légitimes, ils n’en resteraient pas moins des prêts, temporaires par nature. Or, les dépositaires, on l’a vu, s’estiment souvent propriétaires des œuvres. Lorsque celles-ci leur sont demandées pour une exposition, il leur arrive fréquemment d’exiger un autre objet en échange, une demande inconcevable de la part des propriétaires privés.

Le problème des conditions de conservation est essentiel. Celles-ci sont en général moins bonnes que dans les musées. On a cité plus haut bien des exemples d’objets entreposés dans des conditions discutables et ne bénéficiant pas des mesures de sécurité les plus élémentaires. La proportion d’œuvres disparues, volées ou détériorées, est bien plus importante hors des musées que dans les musées, comme l’a montré sans ambiguïté la mission du récolement.

Il est sans doute inutile de se scandaliser, même si la loi l’interdit, du dépôt d’œuvres ne présentant pas un véritable intérêt pour un musée et qui finiraient immanquablement en réserve. En revanche, on ne peut admettre cette véritable privatisation, au profit unique de quelques-uns, d’objets qui appartiennent à tous et qui devraient être offerts à la vue du public. Ces œuvres, par centaines, doivent revenir dans les musées. Pas forcément d’ailleurs au Louvre, à Versailles ou à Orsay, en dehors de celles qui comblent véritablement des manques de leurs collections comme l’Albane du Sénat. Il ne manque pas de musées en France qui seraient heureux de pouvoir en bénéficier.
N’hésitons pas, d’ailleurs, à revenir sur le Louvre-Lens, ce projet si mal ficelé et qui aurait pu être tellement mieux traité : pourquoi ne pas créer un vrai musée, avec de vraies collections. Si l’on déposait à Lens tous les tableaux du XVIIIe siècle importants qui sont répartis irrégulièrement dans les bâtiments administratifs, ce musée deviendrait l’un des premiers en France pour l’étude de cette époque [13].

On peut comprendre enfin que les ambassades, l’Elysée ou certains ministères doivent représenter au mieux notre pays lorsqu’ils reçoivent des visiteurs officiels. Un décor prestigieux [14] se justifie car il participe au rayonnement de la France. Ces administrations doivent alors prendre leurs responsabilités et mener, sur leur propre budget, une politique d’acquisition. En enrichissant le patrimoine national, ils feraient ainsi de nécessité vertu.

P.S. (25/5/09) Dans son numéro du 25 mai 2009, Libération relaie cet article en très bonne place (p. 6 et 7). Vincent Noce cite Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France : « "C’est de la mauvaise foi que de prétendre que tous ces dépôts sont irréguliers" La circulaire [du Premier Ministre] précisait ainsi que certains pouvaient être "maintenus par décision du ministre de la Culture" » Je laisse au lecteur apprécier qui est de mauvaise foi. Si, effectivement, la circulaire du ministre précise cela, il faut savoir que les circulaires sont des actes moins forts que les lois et décrets. Il peuvent donc renforcer ceux-ci, ils ne peuvent pas autoriser ce qui est spécifiquement interdit dans une loi ou un décret. Ajoutons qu’à la question que nous avions posée lors de la présentation des résultats du récolement, ceci en présence de nombreux collègues journalistes, Christine Albanel avait précisé sans ambiguïté que les œuvres des musées ne devaient pas être déposées en dehors des musées et que cela ne souffrait aucune exception.

English version

Didier Rykner

Notes

[1Le texte exact était : Les œuvres des musées nationaux peuvent faire l’objet d’un dépôt en vue de leur exposition au public :
 dans les musées de l’Etat et de ses établissements publics ;
 dans les musées classés et contrôlés […]
 dans les musées dépendant de fondations et d’associations reconnues d’utilité publique ;
 dans les musées étrangers ;
 dans les monuments historiques, même non affectés à un musée, à condition qu’ils soient ouvertes au public ;
 dans les parcs et jardins des monuments nationaux.

[2C’est nous qui soulignons. Le Ministère de la Culture a répondu à nos questions en indiquant que : « S’agissant des œuvres déposées avant 1981, toutes peuvent être maintenues chez les dépositaires qui les ont reçues et ces dépôts sont régulièrement régularisés après récolement. » Cette interprétation est erronée : le texte du décret est très clair, il faut que ces œuvres soient exposées au public.

[3Il faut en outre que le ministre ait donné son accord.

[4Il faut en outre que le ministre ait donné son accord.

[5C’est nous qui soulignons.

[6Le ministère de la Culture nous a précisé au sujet de ces deux œuvres : « Deux sculptures ont été, de manière provisoire, mises à disposition de l’Assemblée nationale par l’établissement public de Versailles au moment où le Parlement restituait à celui-ci d’importants espaces occupés par le Congrès. » Il s’agirait donc d’une sorte de compensation, dont on ne voit pas d’où elle tire sa justification et dont l’Assemblée Nationale elle-même ne se réclame pas.

[7L’explication complète est celle-ci : « Un appartement officiel est intégralement meublé par l’Etat, car l’Etat le destine non à loger une personne, mais à l’organisation de missions de l’Etat, notamment l’organisation de manifestations, réceptions etc., et ceci indépendamment de la question de savoir si le titulaire y réside ou non dans la pratique. Ainsi en est-il des résidences des Ambassadeurs ou des Hôtels de Préfecture. Nous avons donc des appartements de fonction, meublés par les intéressés qui y résident pour raisons impératives de service (cas du médecin), et des appartements officiels meublés et décorés par l’Etat. » Inutile de dire que la différence entre appartement de fonction et appartement officielle est fort ténue, les titulaires d’appartements officiels y résidant la plupart du temps.

[8Ce tableau est actuellement montré au Grand Palais dans l’exposition Une œuvre peut en cacher une autre.

[9Il semble cependant que ces deux tableaux appartiennent maintenant à Matignon, et pas au Louvre. Nous n’avons pas eu de réponse à ce sujet, et nous ne savons pas plus de quelles œuvres il s’agit.

[10Nous n’avons pas reçu de réponse du minstère des Affaires Etrangères afin de vérifier l’emplacement de ces tableaux dans le bâtiment. Nous donnons ceux observés pendant le dernier récolement.

[11Dans la courte réponse à nos questions que nous a adressée le Ministère de la Culture, le dépôt de ce tableau est justifié ainsi : « le tableau représentant le Congrès de Paris en 1856 d’Edouard Dubufe a été prêté, provisoirement, au ministère des Affaires étrangères à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, soit une opportunité de présenter à un large public cette œuvre méconnue. » Explication peu convaincante car on ne comprend pas bien de quel « large public » il s’agit.

[12Le site du Musée d’Orsay indique à tort qu’il se trouve à l’Ambassade près le Saint-Siège.

[13Nous n’avons, dans cette enquête, rien dit des musées de province. On devrait également se pencher (sans doute le ferons nous un jour) sur cette question, puisqu’il n’existe semble-t-il pas de règle pour eux. Aucune loi, aucun règlement n’interdit aux collectivités locales de demander aux musées de région des œuvres pour orner leurs mairies ou leurs conseils généraux, voire des appartements de fonctions.

[14Rappelons tout de même qu’ils peuvent demander au Mobilier National (pour des œuvres postérieures à 1800) ou au Fonds National d’Art Contemporain.

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