Le ministère de la Culture est mort à Villepreux

1. La vente Villepreux à l’hôtel Drouot
Au premier plan, Psyché par Pietro Tenerani
Photo : Didier Rykner
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Pire qu’une Bérézina, car sur la Bérézina, au moins, les troupes françaises se sont battues. La vente du mobilier du château de Villepreux, qui est intervenue quelques jours après celui du château de Barante (voir la brève du 6/11/16), vient confirmer ce à quoi nous assistons depuis de trop nombreuses années : la fin du ministère de la Culture, décidément incapable de remplir ses devoirs, ne serait-ce qu’un peu, envers le patrimoine français. Aucune œuvre n’avait été classée trésor national. Aucune ne l’avait été monument historique, alors que tout ou presque l’aurait mérité (voir notre article). Et pour parachever cette absence totale de volonté politique d’un ministère à l’agonie, qui laisse détruire le jardin protégé des Serres d’Auteuil en regardant ailleurs, qui autorise le vandalisme d’un monument classé (les loges de l’Opéra) ou le massacre d’un site cinq fois protégé (le Musée des Beaux-Arts de Tours), et qui n’intervient pas dans la discussion sur l’isolation extérieure, aucune préemption d’un musée national… Bref, un ministère inutile, dont nous plaignons sincèrement les fonctionnaires consciencieux (il y en a beaucoup au sein de cette administration) qui subissent ce naufrage.

2. Henri Lehmann (1814-1882)
Mariuccia, 1841
Huile sur toile - 96,4 x 71 cm
Préempté par le Musée Fabre de Montpellier
Photo : Lasseron & Associés
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Seules trois œuvres ont été préemptées lors de la vente. Trois œuvres mineures par rapport aux enjeux, même s’il faut créditer les musées qui les ont effectuées d’avoir été présents. L’un des deux est - on ne s’en étonnera pas - l’un des trop rares musées français à poursuivre une active politique d’acquisition : le Musée Fabre de Montpellier qui a acheté un grand tableau d’Henri Lehmann (un des meilleurs élèves d’Ingres dont, rappelons-le, le Louvre ne possède qu’une toile qui n’est d’ailleurs pas exposée…). Il s’agit de Mariuccia (ill. 2), le portrait d’une jeune paysanne romaine comme les artistes présents au XIXe aimaient les représenter. Le modèle, de son vrai nom Marina Cenci, était fameuse parmi la communauté francophone, devenant la maîtresse et le modèle de Navez puis de Schnetz, et posant même pour Ingres. L’œuvre fut exposée aux Salons de 1842 et de 1855, à moins qu’il ne s’agisse ici d’une réplique autographe comme pourrait le laisser penser une mention du Journal tenu par Lehmann.

Quant à La Vallée-aux-Loups, la maison de Chateaubriand, l’un des lieux qui aurait pu avoir vocation à accueillir le Salon Bertin de Veaux, aujourd’hui dispersé, elle n’a pu acquérir que deux portraits de Louis François Bertin : une huile sur toile de Jean-Louis Laneuville (pour 11 000 € sans les frais ; ill. 3) et un dessin de Girodet (pour 18 000 € sans les frais ; ill. 4).


3. Jean-Louis Laneuville, dit Laneuville (1756-1826)
Portrait de Louis François Bertin, 1796/1797
Huile sur toile - 64 x 54 cm
Préempté par la Maison de Chateaubriand
Photo : Lasseron & Associés
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4. Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824)
Portrait de Louis François Bertin, 1815
Crayon noir et blanc - 26,2 x 21 cm
Préempté par la Maison de Chateaubriand
Photo : Lasseron & Associés
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Tout cela est est d’une tristesse insondable. Le patrimoine français ne vient pas de s’enrichir de trois œuvres, il vient de perdre une partie de son histoire qui ne s’est pourtant vendue, au total, que moins de 4 millions d’euros.

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