La Ville d’Arras présente son projet

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25/8/20 - Musée, Arras, Musée des Beaux-Arts - La Mairie d’Arras organisait hier une visite de presse de la médiathèque et du Musée des Beaux-Arts, ainsi qu’une présentation de la « maison du projet » de l’abbaye Saint-Vaast, conférence à laquelle nous n’étions pas invité mais où nous nous sommes tout de même rendu. Nous avons d’ailleurs été accueilli, sans doute pas avec plaisir, mais avec courtoisie.


1. Salle de la peinture d’histoire du XIXe siècle
Musée des Beaux-Arts d’Arras
Photo : Didier Rykner
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La médiathèque et le musée [1] sont restés clos tout l’été (le musée était néanmoins ouvert le dimanche) car une « préfiguration » de l’ensemble devait être mise en place. Ce que nous avons vu est pour l’instant rassurant sur deux points : le musée n’a, pour l’instant, pas été touché et toutes les salles sont identiques à ce qu’elles étaient ces dernières années ; les salles du deuxième étage notamment, bien refaites il y a deux ans avec une belle couleur des murs (ill. 1), n’ont pas bougé depuis. Quant à la médiathèque qui se trouve dans les trois niveaux de l’aile de droite de la cour principale (nous n’y étions jamais entré), elle a bénéficié cet été d’un réaménagement qui sort de notre champ mais qui nous semble plutôt réussi.


2. Accrochage de Flore par François Chifflart dans la médiathèque
Photo : Didier Rykner
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3. Accrochage d’un tableau de Benjamin Constant dans la médiathèque
Photo : Didier Rykner
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On sait que le musée doit s’étendre dans la médiathèque et la médiathèque dans le musée. On sait aussi ce que nous pensons de cette idée que nous avons largement commentée dans l’un de nos six récents articles. Quelques œuvres sorties des réserves ont donc été installées dans la médiathèque : ce n’est pas une mauvaise idée pour les tableaux (et cela ne nécessitait pas de fondre les deux entités) du moment qu’ils sont placés assez haut sur les murs pour être visibles sans être mis en danger. C’est le cas pour certains d’entre eux, comme cette Flore de François Chifflart (ill. 2) ou ce portrait par Benjamin Constant (ill. 3).
En revanche, on s’étonne réellement, et on s’inquiète même, de ces céramiques placées dans des vitrines sur des étagères dans les bibliothèques (ill. 4), ou sur ces tableaux du XVIIIe siècle placés dans la salle de jeu des plus petits « à leur hauteur » (ill. 5)… Cela nous paraît (et confirmation nous a été faite par des conservateurs amis) bien loin des conditions de conservation qu’un musée devrait appliquer.


4. Présentation d’un petit groupe en porcelaine dans la médiathèque
Photo : Didier Rykner
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5. Présentation de deux tableaux dans la médiathèque
Photo : Didier Rykner
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6. Salle des Jaulmes servant de réserves
Photo : Didier Rykner
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Le musée, que nous avons pu parcourir (et l’on nous a même permis de voir la salle des Jaulmes - ill. 6 - qui sert actuellement de réserves) est donc pour le moment intact, et il est à souhaiter qu’il reste ainsi. On peut désormais y voir les deux triptyques de Jean Bellegambe (ill. 7 et 8), qui viennent d’y être déposés par le Trésor de la cathédrale (dont on nous a dit qu’il était en travaux). Lorsque nous avons interrogé les responsables du projet sur l’installation de l’hôtel, ceux-ci étaient visiblement mal à l’aise. Ils ont affirmé que la maison du projet, qui s’installera bientôt dans la médiathèque, permettrait aux Arrageois de rencontrer « tous les acteurs clés du projet » pour le découvrir, poser des questions, et « s’engager dans la co-construction ». Il s’agirait donc d’un projet participatif qui se ferait avec la population.


7. Présentation des deux triptyques
de Jean Bellegambe
Photo : Didier Rykner
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8. Jean Bellegambe (vers 1470-vers 1535)
Le Christ aux bourreaux
Huile sur panneaux - 114 x 75 (panneau central) et 35 (panneaux latéraux) cm
Arras, Musée des Beaux-Arts
Photo : Didier Rykner
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Nous ne croyons évidemment pas une seconde à une telle concertation. Le projet est avant tout commercial, et l’entreprise à qui va être confiée l’hôtel a des exigences très claires qu’aucune concertation ne pourra bouger. Parmi celles-ci : l’annexion, au moins pour un restaurant, de l’aile gauche (où se trouvent actuellement les salles d’exposition temporaire), l’entrée commune au centre de la cour principale, l’annexion de la cour du Puits (ill. 9), sa couverture, et par ricochet la réquisition des salles médiévales du musée (ill. 10) qui se trouvent autour de cette cour : tout cela est très visible dans la vidéo (signée Marriott, Naos Hôtel et Ville d’Arras) diffusée par le groupe Maes (architectes). Certains des plus beaux espaces de l’abbaye seront affectés à l’hôtel, et le musée n’aura qu’à se débrouiller avec ce qui restera.


9. Cour du Puits de l’abbaye Saint-Vaast
Photo : Didier Rykner
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10. Salle médiévale autour de la cour du Puits ; partie occupée par l’hôtel si celui-ci se fait
Photo : Didier Rykner
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Tout cela, hélas, témoigne surtout d’une grande démagogie. Alors que le projet s’est pour l’instant développé dans la plus grande opacité, et qu’un accord avec le groupe Marriott a déjà été signé, faire croire que les décisions structurantes pourraient être modifiées n’est pas crédible une seconde. Laisser penser que la population pourrait avoir son mot à dire sur l’implantation de l’hôtel ne l’est pas davantage. Un journaliste a d’ailleurs demandé à connaître les « lignes rouges » que se fixerait la mairie pour ne pas tout céder au groupe hôtelier, question légitime à laquelle a été opposée la « confidentialité du projet ». Drôle de concertation si l’on invoque une un tel secret.
Enfin, un projet scientifique ne se fait pas en co-concertation avec la population. Il se fait pour la population, afin de lui permettre d’avoir accès dans les meilleures conditions possibles au patrimoine. Aménager un musée est un travail de spécialiste, et il est bien différent de l’aménagement d’une médiathèque de prêt. C’est bien ce mélange des genres, hôtel-musée-médiathèque, qui est inacceptable.

Cette conférence de presse ne nous a donc pas convaincu, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous n’avons donc rien à retirer à nos articles précédents. En revanche, parce que nous n’avons évidemment pas vocation à ne faire que critiquer, nous espérons pouvoir bientôt parler des restaurations dont ont pu bénéficier certaines œuvres, et même des quelques acquisitions qui ont pu avoir lieu ces dernières années et dont nous n’avons pas encore parlé.

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