L’organisation défaillante du Louvre : saison 3, épisode 2

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Le département des Objets d’Art au Louvre
Photo : Didier Rykner
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La direction du Louvre persiste et signe. Non contente d’interdire à une grande partie des ses agents (y compris les conservateurs) de travailler de chez eux, elle compte maintenant, après le 11 mai et la fin du confinement, poursuivre largement cette politique contraire à ce que font toutes les entreprises privées, les autres administrations et l’ensemble des musées.

Jean-Luc Martinez s’est en effet fendu hier d’un nouveau mail, « confidentiel », où il décrit les projets qui seront prioritaires après la reprise du 11 mai. On pourrait imaginer que toutes les missions normales d’un musée devraient y figurer, même l’accueil du public, car organiser la réouverture en toute sécurité nécessite une organisation complexe à mettre en place à laquelle il est indispensable de réfléchir dès maintenant. Eh bien non. Aucune des missions scientifiques (études des collections, restauration des œuvres, catalogues scientifiques des collections, etc.) ne sont incluses dans ces missions « prioritaires », à l’exception de deux : certaines expositions - nous y reviendrons plus loin - et « les chantiers des collections en cours et le transfert des collections au Centre de conservation de Liévin tels que prévus pour les mois de mai et juin ». Les deux choses sont citées en même temps car le chantier des collections du Louvre actuellement a en effet aujourd’hui exclusivement pour objectif d’envoyer les œuvres à Liévin…
Les autres chantiers prioritaires cités sont les travaux en cours dans le musée - qu’ils soient utiles (restauration des « façades du bord de l’eau [1] », restauration de l’aile Rohan…) ou nuisibles comme le réaménagement des salles étrusques et italiques (voir l’article). Le Schéma directeur incendie est jugé prioritaire et devant être « relancé ». Ce qui est scandaleux, c’est qu’il ait été interrompu pendant deux mois, comme si le risque incendie était suspendu pendant le confinement.

Pour les expositions, « si la réouverture des frontières européennes le permet », deux d’entre elles sont reportées à l’automne : « Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande » qui devait avoir lieu du 23 avril au 3 août 2020 et « Le Corps et l’Âme. De Donatello à Michel-Ange. Sculptures italiennes de la Renaissance », qui devait commencer le 6 mai et se terminer le 17 août. « En mai et juin [écrit le directeur du Louvre] il faudra donc relancer la préparation de ces deux expositions ». On imagine la complexité de reprogrammer des expositions comme celles-ci, ne serait-ce que pour des question de logistique et de disponibilité des œuvres. Mais ce ne sera qu’en mai et juin que les travaux pourront se poursuivre, alors que mars et avril n’auraient pas été de trop (comme le font tous les autres musées). Quant aux exposition qui suivront et qui seront « repoussées d’un trimestre », rien d’urgent : « le travail pourra attendre la rentrée de septembre » !

Car il n’est pas question que tout le monde reprenne le travail, même le 11 mai : « Tous les autres projets et le reste de nos missions sont toujours et jusqu’à nouvel ordre suspendus. » Non seulement le Louvre est presque entièrement à l’arrêt pendant le confinement, mais il le restera encore au moins jusqu’en septembre pour beaucoup d’agents, y compris les conservateurs pas concernées par les deux expositions déjà citées, ou par « Un duel romantique », celle du Musée Delacroix qui devait avoir lieu à l’automne et qui est toujours programmée et elle aussi prioritaire. Heureusement, l’indispensable exposition de la Petite Galerie « Figure d’artiste » (dont le co-commissaire est Jean-Luc Martinez), qui devait s’interrompre le 29 juin 2020, sera prolongée sur l’année…
Comme le précise en effet le président-directeur du Louvre dans son mail : « Maintenant que cette liste des projets à relancer en mai et juin est établie, nous devons répertorier les moyens humains et logistiques correspondants. Il s’agit d’identifier les personnels à mobiliser en mai et juin lors de cette deuxième phase du plan de continuité d’activité (PCA). Pour rappel, lors de la phase 1 du PCA, seules les fonctions prioritaires pour assurer la sécurité et la maintenance ont été et restent mobilisées.
J’ai donc demandé à chaque directeur de constituer la liste restrictive des personnes qui doivent être mobilisées à partir du 11 mai pour chacun de ces projets définis ci-dessus, soit en venant sur place – ce qui devrait relever de l’exception -, soit en travaillant à distance ( et pour cela identifier les personnels à équiper). Dans tous les cas, il faudra donc, quand le métier le permet, privilégier le télétravail pour limiter la présence dans le musée.
 »
Le télétravail sera donc enfin autorisé, mais uniquement de manière limitée, pour les projets prioritaires que l’on vient de voir. Les autres n’auront toujours pas le droit de travailler. Et certains ne pourront pas revenir au musée (même si c’était nécessaire) car « nous ne pourrons pas revenir manger à la cantine tous ensemble, il faudra donc que certains restent à la maison ».

Il est de plus en plus évident qu’outre tous les autres, il y a un grave problème d’organisation au Louvre, malgré le nombre de cadres de direction (voir cet article). Cela s’était déjà vu notamment avec les expositions Vermeer et Valentin, avec la restauration de la salle des États et le déménagement de la Joconde cet été, et désormais avec la crise du coronavirus. À chaque fois cela donne lieu à un véritable feuilleton que vous pouvez suivre en exclusivité sur La Tribune de l’Art plutôt que sur Netflix. Car évidemment, cette nouvelle saison n’est pas terminée : un Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail est prévu le 24 avril. La suite au prochain épisode.

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