L’inclusion des œuvres d’art dans l’ISF repoussée par l’Assemblée nationale

19/10/12 - Politique culturelle - Impôt sur la fortune - Comme attendu depuis que le gouvernement s’y était opposé et que le Parti socialiste avait décidé de ne pas le voter, l’amendement à l’article 9 du projet de loi de finances 2013 qui prévoyait d’inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF a été repoussé cette nuit par l’Assemblée nationale.

C’est donc la fin d’une bataille, brève mais violente, qui a fortement inquiété l’ensemble du monde de l’art, des collectionneurs aux marchands, en passant par les musées. Nous avons dit ailleurs les conséquences dramatiques qu’une telle mesure aurait pu avoir, non seulement pour le patrimoine, mais aussi pour l’économie. Et tout cela, ses promoteurs le reconnaissaient eux-mêmes, pour quelques millions d’euros seulement et pour le « principe », autrement dit purement par idéologie.

Les débats ont été conformes à ce que nous avons connu ces derniers jours. Le député Le Fur, UMP, a fait preuve comme prévu d’une démagogie ahurissante. Il a, par exemple, repris une démonstration dont nous avons montré qu’elle était fausse. Hervé Mariton, UMP également, souhaite qu’une mission d’étude sur la fiscalité des œuvres d’art soit menée par l’Assemblée, une position proche de celle de Gilles Carrez, UMP toujours, qui n’a d’ailleurs pas été reprise par les présents, Christian Eckert ayant affirmé qu’il ne s’exprimerait plus sur ce sujet. Il faudrait rappeler simplement que ce groupe de travail s’est tenu en 1999 à l’Assemblée (on peut lire ici le rapport) et a conclu avec beaucoup de bon sens, dans un chapitre intitulé « L’ISF, l’éternelle menace », que son inclusion dans l’ISF serait catastrophique. Il est temps, au contraire, d’y mettre un coup d’arrêt définitif. Chacun s’accorde à dire que le marché de l’art a besoin de stabilité.

A la FIAC, selon tous les observateurs, les ventes sont excellentes et le soulagement est perceptible, ce dénouement heureux ayant été anticipé. Preuve nouvelle, s’il en fallait, de l’énorme pouvoir de nuisance qu’aurait eu une taxation des œuvres d’art.

Voir notre dossier.

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Didier Rykner

P.-S.

Certains, même parmi les opposants à l’inclusion dans l’ISF, ont évoqué lors du débat la nécessité d’un alignement des plus-value de revente des œuvres d’art sur le régime commun des plus-values. Ceci ne serait pas moins létal que l’inclusion dans l’ISF, pour de nombreuses raisons facilement démontrables :

 Les 5% forfaitaires, comme nous l’avons déjà dit, s’appliquent sur une grande majorité des œuvres qui ne devraient pas y être soumises, faute de pouvoir démontrer qu’on les possède depuis plus de douze ans (et demain de trente ans) ; sait-on, par exemple, que l’administration fiscale ne considère pas une simple facture comme preuve d’achat à une date donnée car il n’y a pas de photo de l’objet ?

 Les 5% s’appliquent au prix total de l’objet, et non à la plus-value réelle puisqu’il s’agit d’un forfait ; dans la plupart des cas, la réelle plus-value est très faible, et ce taux de 5% sur la totalité du prix de vente revient en fait à une taxation bien supérieure à celle-ci. Un simple exemple : un objet acquis 100 il y a trente ans, qui ne devrait pas être taxé mais pour lequel on ne dispose pas de preuve d’achat, et que l’on revend 120, sera taxé 6, alors qu’il n’aurait pas dû être taxé, et en tout cas pas davantage que 5% de 20, soit 1 !

 Les moins-values ne seraient pas comptabilisées et déduites des plus-values.

 Lorsqu’un collectionneur vend une œuvre d’art, c’est souvent pour en racheter une autre, qu’il aimera davantage, ou parce qu’elle équilibre mieux sa collection (une chose que ceux qui veulent s’attaquer aux collectionneurs ne peuvent pas comprendre). Or, une taxe sur la plus-value trop importante rendrait quasiment impossible de faire évoluer sa collection pour l’améliorer puisqu’elle serait confiscatoire à la vente, ne permettant pas de racheter dans des conditions raisonnables.

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