L’Hôtel-Dieu de Château-Thierry, un chantier à soutenir

L’Hôtel-Dieu de Château-Thierry, qui figure sur la liste des monuments prioritaires pour bénéficier de l’argent ramené par le loto patrimoine (ill. 1 et 2), a connu une histoire récente compliquée mais qui semble se diriger dans la bonne direction grâce à une municipalité et à une agglomération soucieuses du patrimoine et qui pourraient servir d’exemple.


1. Rue du Château à Château-Thierry,
à gauche, l’Hôtel-Dieu
Photo : Didier Rykner
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2. Hôtel-Dieu de Château-Thierry
vue sur l’arrière du monument
Photo : Didier Rykner
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3. Hôtel-Dieu de Château-Thierry, cour, avec vue sur la chapelle du XVIIe siècle
Photo : Didier Rykner
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L’Hôtel-Dieu, monastère royal Saint-Jean-Baptiste, a été fondé le 25 mars 1304 par Jeanne de Navarre, épouse de Philippe Le Bel. Les sœurs en charge de cette institution relevaient de la règle augustinienne [1].
À la fin du XVIIe siècle, l’Hôtel-Dieu s’agrandit, notamment grâce à la nouvelle prieure, Anne de La Bretonnière, nommée en 1682. Son oncle Pierre Stoppa, époux d’Anne-Charlotte de Gondi, dote richement l’établissement. Les bâtiments sont entièrement reconstruits et perdureront jusqu’aux années 1870, date à laquelle devenu vétuste, l’Hôtel-Dieu est démoli, à l’exception de la chapelle (ill. 3), et à nouveau reconstruit par l’architecte Eugène Rouyer, en brique et pierre, dans un style néo-Louis XIII.
L’Hôtel-Dieu devient alors un hôpital moderne selon les critères de l’époque, qui fonctionnera jusqu’au début des années 1980. Considéré à nouveau comme peu adapté aux exigences contemporaines, l’hôpital quitte les lieux pour s’installer dans de nouveaux locaux.


4. Croix-reliquaire du XIIIe siècle
déposée par la commune de
Crouttes-sur-Marne dans les réserves
de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry
Photo : Didier Rykner
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5. France, XVIIe siècle
Christ au Jardin des Oliviers
dans les réserves de l’Hôtel-Dieu
de Château-Thierry
Photo : Didier Rykner
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En 1973, la directrice adjointe au service économique, Michèle Rapine, avait découvert dans les combles un véritable trésor : toutes les œuvres accumulées au cours des siècles par les sœurs augustiniennes qu’elles y avaient stockées (ill. 4 et 5). Consciente du grand intérêt de ces objets, elle fut à l’origine, dès 1983, après le départ de l’hôpital, du Musée de l’Hôtel-Dieu qui s’installa au rez-de-chaussée du bâtiment. Cette collection était gérée par une association, mais tout appartenait encore au Centre Hospitalier de Château-Thierry.
Mais en 2016, alors que celui-ci envisage la vente des bâtiments et des collections, ce qui aurait constitué une catastrophe patrimoniale majeure, le pire a pu être évité grâce à l’agglomération de Château-Thierry qui se décida à acheter l’Hôtel-Dieu et toutes son contenu. Le premier fut acquis pour 1 millions d’euros (alors que compte tenu de son état, l’euro symbolique aurait été plus juste) et les œuvres pour seulement 400 000 €, un prix assurément très raisonnable. Si l’agglomération porte le projet, la ville a financé 400 000 € du prix total de 1 400 000 €.


6. Un escalier dans l’Hôtel-Dieu de
Château-Thierry
Photo : Didier Rykner
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7. Façade sur cour de l’Hôtel-Dieu
de Château-Thierry. On voit à droite
une large fissure
Photo : Didier Rykner
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Il fallait un certain courage aux élus, et une véritable conscience de leur devoir pour acquérir un tel bâtiment. Celui-ci est en effet dans un état préoccupant (ill. 6). Si le musée au rez-de-chaussée fait assez bonne figure, une visite aux étages démontre que de coûteux travaux sont indispensables (ill. 7).
Après avoir, pour la première fois, recruté un conservateur du patrimoine, Thomas Morel fraîchement émoulu de l’institut National du Patrimoine [2], l’agglomération souhaite désormais restaurer l’édifice, et étendre le musée aux étages supérieurs, en y présentant des œuvres encore encore en réserves (ill. 4 et 5), et en menant une politique de dépôt d’autres musées d’histoire médicale (dont on sait hélas que plusieurs sont en déshérence). L’objectif du Projet Scientifique et Culturel en cours d’élaboration est de créer un grand musée d’histoire médicale, ce qui n’exclut bien entendu pas les œuvres d’art liées à l’histoire des hôpitaux et des Hôtels-Dieu. L’appellation « Musée de France » va bien entendu être demandée.


8. France, premier quart du XIVe siècle
Scènes de la vie de Marie et du Christ
(Antependium)
Soie et or - 75 x 171 cm
Château-Thierry, Musée de l’Hôtel-Dieu
Photo : Didier Rykner
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9. Chape du XVIIIe siècle dans les réserves de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry
Photo : Didier Rykner
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Un rapide parcours dans le musée permet de découvrir les collections déjà exposées, effectivement assez remarquables et très variées. De nombreux tissus ecclésiastiques (ill. 8), exposés par roulement, beaucoup d’autres étant encore conservés en réserves [3] (ill. 9), de l’orfèvrerie religieuse (ill. 10), des tableaux dont un grand Largillière (ill. 11), des meubles (ill. 12), des céramiques (ill. 13)…


10. Orfèvrerie religieuse du XVIIIe siècle
Château-Thierry, Musée de l’Hôtel-Dieu
Photo : Didier Rykner
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11. Nicolas de Largillière (1656-1746)
La Famille Stoppa, vers 1685
Huile sur toile - 250 x 350 cm
Château-Thierry, Musée de l’Hôtel-Dieu
Photo : Musée de l’Hôtel-Dieu
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Quant à la chapelle, elle conserve un remarquable tombeau sculpté et plusieurs tableaux, jamais vraiment étudiés, et sans doute dus à des artistes parisiens. Nous en parlons ici, dans un article de la rubrique Itinéraires (réservée aux abonnés).


12. École moghole, fin du XVIIe siècle
Coffre moghol
Bois de violette, ivoire - 55 x82,5 x 54,5 cm Château-Thierry, Musée de l’Hôtel-Dieu
Photo : Musée de l’Hôtel-Dieu
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13. Présentation de céramiques
au Musée de l’Hôtel-Dieu
de Château-Thierry
Photo : Didier Rykner
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Le coût du projet, restauration des bâtiments et agrandissement du musée, est évalué à environ 7,5 millions d’euros. Inutile de dire donc que les 250 000 € qui devraient être apportés par le loto patrimoine ne constituent qu’une goutte d’eau dans ce budget. Mais en mettant l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry sur le devant de l’actualité, il lui permet d’attirer l’attention et, on l’espère, de faire venir des mécènes. Il faut encourager les collectivités territoriales qui agissent pour le patrimoine, et incontestablement, celle-ci qui aurait pu laisser partir à l’encan ces œuvres et ce monument, le mérite amplement.

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