L’état des églises parisiennes (1) : Saint-Philippe-du-Roule

1. Jean-François Chalgrin (1739-1811)
Façade de l’église Saint-Philippe-du-Roule
Paris, rue du Faubourg-Saint-Honoré
Photo : Didier Rykner
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Nous entamons, avec cet article, une nouvelle série consacrée aux églises parisiennes. On parle souvent, en effet, des édifices religieux en péril en négligeant fréquemment ceux de la capitale, tant il paraît évident qu’ils ne peuvent être menacés.
Malheureusement, il n’en est rien. Si le service en charge de la conservation et de la restauration des œuvres d’art et des peintures murales (la COARC [1]) réalise un travail très important, si certaines restaurations sur le gros œuvre des bâtiments ont pu être réalisées ces dernières années par le Bureau des Edifices Cultuels & Historiques (BECH), les besoins sont tels et l’état des bâtiments est parfois si dégradé qu’il faut bien constater que ces efforts sont très insuffisants.
Dans un article paru le jeudi 9 décembre dernier dans le supplément TéléObs du Nouvel Observateur intitulé « La misère des églises parisiennes », Morgane Bertrand, donne les chiffres qui lui ont été fournis par la Mairie de Paris [2] : pendant la première mandature de Bertrand Delanoë, soit de 2001 à 2008, 80 millions d’euros auraient été consacrés à l’entretien et aux restaurations des églises, soit environ 11,5 millions par an. Un budget en forte diminution depuis la réélection de Bertrand Delanoë (25 millions d’euros en moins).
Ces montants sont beaucoup trop faibles. L’état des finances de la ville ou la responsabilité des équipes précédentes sont des arguments irrecevables. Il est évident que la situation ne date pas d’aujourd’hui et que les maires précédents ne peuvent certainement pas être cités en exemple. Mais Bertrand Delanoë dirige Paris depuis près de dix ans. Et il suffit de comparer le sort fait aux églises avec la construction du nouveau stade Jean Bouin pour comprendre où sont les priorités de cette municipalité. Cet énorme bâtiment consacré au sport spectacle va coûter au contribuable parisien environ 200 millions d’euros sur à peine plus d’une année. Un chiffre à comparer aux 11,5 millions annuels pour les églises.


2. Jean-François Chalgrin (1739-1811)
Nef de l’église Saint-Philippe-du-Roule
Paris, rue du Faubourg-Saint-Honoré
Photo : Didier Rykner
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Comme il serait cependant de mauvaise foi de ne pas parler des points positifs, certains des articles de notre série seront consacrés à des églises restaurées ou en cours de restauration. Nous commencerons néanmoins par un édifice très menacé, même si cela n’est guère apparent pour les visiteurs : l’église Saint-Philippe-du-Roule (ill. 1 et 2).

3. Théodore Chassériau
La Descende de Croix
Huile sur enduit
Paris, église Saint-Philippe-du-Roule
Photo : Didier Rykner
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Sa construction remonte à la fin du XVIIIe siècle. Les plans sont proposés par Jean-François Chalgrin en 1764 mais la première pierre ne sera posée qu’en 1774, et la bénédiction de l’église n’aura lieu qu’en 1784.
Au XIXe siècle, le bâtiment sera agrandi deux fois. D’abord par Hippolyte Godde entre 1843 et 1847, puis par Victor Baltard en 1853. Le premier a construit le déambulatoire et la chapelle axiale (chapelle de la Vierge), le second a édifié la chapelle des catéchismes à gauche du chœur. En 1852, Théodore Chassériau se vit commander un décor pour la voûte en cul-de-four du chœur. Il termina sa Descente de Croix peinte à l’huile sur enduit en 1856 (ill. 3). Entre 1885 et 1887, des vitraux d’Emile Hirsch furent posés sur les baies de la nef. Enfin, l’église étant jugée trop sombre, des ouvertures furent percées dans la voûte en 1895 et d’autres vitraux exécutés par l’atelier de Champigneulle sur des cartons d’Albert Maignan.


4. Saint-Philippe-du-Roule
Transept gauche
Photo : Didier Rykner
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Si l’on entre dans Saint-Philippe-du-Roule par beau temps, la situation ne paraît pas compromise même si certains endroits de l’église portent les traces d’infiltrations importantes (ill. 4).
Il en va tout autrement les jours de fortes pluies. Les photos que nous avons pu prendre le 8 novembre 2010 le prouvent à l’envi : la toiture de l’église n’est plus qu’une passoire et il pleut régulièrement dans la nef. Des seaux sont ainsi disposés entre les chaises afin de recueillir l’eau qui s’écoule (ill. 5). Plus grave encore, des pierres commencent à tomber du plafond (ill. 6), et le bas-côté gauche a dû pendant quelques jours être condamné (ill. 7). La pluie qui s’infiltre partout n’épargne même pas la peinture murale de Théodore Chassériau.
La chapelle axiale de Godde, décorée de peintures murales de Claudius Jacquand et recouverte d’une belle verrière semble la seule partie de l’édifice, avec la chapelle des Catéchismes de Baltard, à être épargnée par les infiltrations.


5. Nef de Saint-Philippe-du-Roule
Seaux recueillant la pluie
8 novembre 2010
Photo : Didier Rykner
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6. Bas-côté gauche de Saint-Philippe-du-Roule
Pierres tombées de la voûte
8 novembre 2010
Photo : Didier Rykner
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7. Bas-côté gauche de Saint-Philippe-du-Roule
interdit au public
8 novembre 2010
Photo : Didier Rykner
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Nos questions à la Mairie de Paris sur ses intentions pour l’église Saint-Philippe-du-Roule sont restées sans réponses. Nous savons cependant que la situation est suffisamment grave pour qu’elle ait décidé de planifier des travaux. Pourtant, il ne s’agit apparemment pas de restaurer la toiture. On envisage simplement de mettre en place une protection au dessus de celle-ci pour empêcher la pluie d’y pénétrer, une installation temporaire qui pourrait bien durer des années. Ainsi va le patrimoine à Paris : parer à l’urgence, lorsque le pire menace, sans aucun plan d’ensemble. Mais à ce rythme, certains bâtiments, certaines peintures murales ou certaines œuvres pourraient bien se dégrader de manière irréversible.

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