L’École des Beaux-Arts va être enfin débarrassée des préfabriqués de l’École d’architecture

3/12/19 - Patrimoine - Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts - C’est une dépêche AFP que l’on a retrouvée partout, comme c’est souvent le cas. Mais le plus curieux étaient les titres qu’ont utilisés de nombreux journaux en ligne : « Ils lui gâchaient la vue : François-Henri Pinault obtient la destruction de préfabriqués devant chez lui » (Ouest-France), « Le Conseil d’État ordonne la démolition de bâtiments qui gâchaient la vue de François-Henri Pinault » (L’Obs) ou encore « Des bâtiments qui gâchaient la vue de François-Henri Pinault vont être détruits » (L’Express). La cause est entendue : le méchant milliardaire ne veut pas qu’on lui « gâche la vue » et fait détruire des locaux qui servent à une école d’architecture.


1. Les préfabriqués condamnés, enfin, à disparaître
Photo : Didier Rykner
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S’il est certain que cet édifice (ill. 1) gênait François-Henri Pinault en « affectant les conditions de jouissance » de sa propriété, la réalité est beaucoup plus complexe, et la décision du Conseil d’État est surtout une grande victoire pour les défenseurs du patrimoine et pour ce monument classé qu’est l’École des Beaux-Arts. Elle vient aussi souligner combien, une nouvelle fois, le ministère de la Culture, théoriquement en charge de la protection des monuments historiques et du respect du code du patrimoine, a failli totalement à sa mission. Nous renvoyons aux nombreux articles que nous avions publié à ce sujet, le premier paru en 2011, dénonçant déjà « le monstrueux bâtiment "provisoire" qui défigur[ait] la cour depuis plus de quinze ans en toute illégalité ». Car bien que classée, l’École s’était vue affublée depuis près de vingt-cinq ans de bâtiments préfabriqués soi-disant temporaires et que le ministère n’a jamais cherché à éliminer. Et l’on se moque qu’il contienne l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Malaquais : la fin ne justifie pas les moyens, et c’est à sa tutelle de lui trouver des locaux décents qui ne dénaturent pas le patrimoine.


2. À gauche les restes de l’hôtel de Torpanne, à droite, les préfabriqués
Photo : Didier Rykner
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3. Vestiges de l’hôtel de Torpanne
Photo : Didier Rykner
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Or, sa tutelle est justement le ministère de la Culture qui est donc deux fois coupable dans cette affaire. Comment celui-ci peut-il remplir sa mission de défense du patrimoine quand il contribue délibérément et illégalement à le dégrader ? Tous les ministres, depuis vingt-cinq ans, sont responsables de cette situation, et il est tout de même paradoxal que ce soit finalement grâce à un riverain - fût-il riche - et au Conseil d’État que la loi finira par être respectée contre le ministère. Ces bâtiments immondes, qui paradoxalement sont exactement l’inverse de l’architecture, doivent avoir disparu au plus tard en décembre 2020. On s’en réjouit. Merci François-Henri Pinault ! Et nous en profitons pour lui suggérer une autre bonne action : financer la restauration des restes de l’hôtel de Torpanne (ill. 2 et 3), chef-d’œuvre du XVIe siècle qui se dégrade sous ses fenêtres depuis des décennies dans l’indifférence générale (et notamment celle du ministère de la Culture).

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