De notre envoyé spécial au Louvre, le mercredi 7 août 2019

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Nous reviendrons dans un article détaillé sur l’annonce faite par Vincent Pomarède que l’entrée sur réservations obligatoires serait généralisée à la rentrée au Louvre et que tous les publics (y compris ceux bénéficiant de la gratuité) y seraient astreints. Nous voulons, après avoir longuement parlé du déplacement de la Joconde et des conséquences désastreuses que cela a eu pour la visite du musée, montrer en images ce que pouvait être une visite pour un amateur d’art le mercredi 7 août 2019 (nous numérotons les étapes de notre visite dans le musée sur les plans ci-dessous, numérotation reprise dans le texte).


Plan du premier étage du Louvre avec notre parcours (les numéros se retrouvent dans le texte)
Plan original : Greatpatton (CC BY SA-3.0)
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Plan du deuxième étage du Louvre avec notre parcours (les numéros se retrouvent dans le texte)
Plan original : Greatpatton (CC BY SA-3.0)
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Nous sommes arrivé au Louvre à 11 h 20 et avons vu une grande file d’attente (ill. 1) hors de la pyramide (en réalité d’ailleurs, deux files d’attente). Nous avons interrogé les personnes en charge d’orienter les visiteurs et leur avons demandé s’il était possible d’entrer sans réservation. Ça ne l’était pas. Ce qui prouve que même avec des réservations, l’organisation du Louvre impose tout de même une longue attente hors de la pyramide… Il y a peu encore, une entrée était possible à la porte des Lions, près du pavillon de Flore. Mais celle-ci est désormais fermée.
Nous avons alors, comme un touriste normal, essayé de voir s’il était possible d’acheter une entrée sur notre smartphone. Toute la journée était « complète  » à l’exception du créneau de 13 h.


1. Double file d’entrée devant la pyramide, le 7 août 2019
Photo : Didier Rykner
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Comme nous bénéficions à double titre de la gratuité (Ami du Louvre et journaliste), nous avons donc décidé d’aller voir sur place ce qu’il en était de ce musée « complet » qui refuse des visiteurs, même ceux qui n’ont aucune envie de voir la Joconde. Après bien des atermoiements, il est désormais possible - semble-t-il pour tous les bénéficiaires de la gratuité - d’entrer prioritairement, une opportunité qui devrait donc leur être refusé dès la fin de cette année.


2. File d’entrée pour l’aile Richelieu, sous la pyramide, le 7 août 2019
Photo : Didier Rykner
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Ceux qui veulent entrer dans l’aile Richelieu n’ont pas le choix : ils doivent faire la queue avec tout le monde, sous la pyramide (ill. 2). Rappelons que tous ces gens qui attendent ont réservé leur entrée au Louvre… Certains se moquent de voir la Joconde et veulent, par exemple, aller voir les sculptures. Peu importe. Ils attendront.


3. Invitation aux Amis du Louvre à profiter de la faible influence à l’aile Denon
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Nous faisons le choix de commencer par l’aile Denon. Il est piquant de savoir que les Amis du Louvre ont reçu un mail pour leur expliquer que cette aile était « à eux » (sic), avec le message suivant : « Profitez de la faible affluence dans l’aile Denon pour vous promener en toute liberté cet été dans les salles mythiques du Louvre ». Extraordinaire, non ? On nous annonce que le Louvre est complet, et parallèlement qu’il y a une « faible affluence » dans l’aile Denon (ill. 3), dont l’entrée est pourtant restreinte…
Pour être franc, l’affluence que nous y avons vue n’était pas faible partout, elle était celle d’un jour ordinaire, qui pourrait absorber encore un nombre considérable de visiteurs.


4. Boutique de souvenirs toujours ouverte au Louvre, quand tant de salles d’expositions sont fermées...
Photo : Didier Rykner
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5. Salle Mollien (le Romantisme, avec notamment le Radeau de la Méduse, 7 août 2019
Photo : Didier Rykner
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Nous avons choisi de commencer en prenant l’ascenseur jusqu’à la salle Denon (1). Grand soulagement : comme nous l’avions déjà écrit, malgré toutes les salles fermées, la boutique de gadgets est toujours là (ill. 4). Une boutique que le Louvre a pourtant un peu de mal à assumer : lorsque l’on va sur la base Cartel pour visiter le Louvre par salle, la photo qu’utilise le musée la montre avant l’installation de ce magasin de souvenirs.
Ceux qui veulent voir David ne le peuvent pas puisque la salle Daru (2) sert notamment de stockage pour des œuvres provenant de salles en cours de travaux (voir l’article). Fort logiquement donc, la salle Mollien (3 ; ill. 5) où se trouve le Radeau de la Méduse a une fréquentation assez conséquente, qui serait certainement deux fois moindre si la salle Daru était ouverte.


6. Salles entre l’escalier Mollien et la
grande galerie (7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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7. Grande galerie (7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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8. Salle Rosa (au bout de la grande galerie
à l’ouest, 7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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9. Salle de la peinture espagnole
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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On remonte ensuite vers la grande galerie en passant par les salles (4) naguère dédiées aux arts graphiques où sont exposées temporairement quelques œuvres vénitiennes normalement présentées dans des espaces actuellement fermés. On y constate une affluence réduite (ill. 6). La grande galerie est assez fréquentée sur une petite moitié. À partir de la peinture bolonaise (5), et jusqu’à son extrémité ouest, le Louvre est plutôt vide (ill. 7) comme en témoignent nos photos, qu’il s’agisse de la salle Rosa (6 ; ill. 8), de la salle des espagnols (7 ; ill. 9) où se trouvaient jadis la Vie de Marie de Médicis de Rubens, ou de la galerie qui lui fait suite (8). On remarquera que cela permet de mieux compter le personnel de surveillance. Et celui-ci est plus que rare. Entre cette partie de la grande galerie et le pavillon de Flore nous avons compté en tout et pour tout trois surveillants, ce qui est, évidemment, très insuffisant.


10. Fermeture des cabinets italiens
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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11. Panneau d’information sur les portes
des cabinets italiens indiquant qu’ils
sont fermés le lundi alors que nous
sommes le mercredi 7 août 2019
Photo : Didier Rykner
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Certes, il est vrai que le nombre de salles à surveiller est de moins en moins grand. Les petits cabinets italiens de part et d’autre de la grande salle espagnole (9) sont fermés (ill. 10). Nous sommes pourtant mercredi et le « plan d’ouverture garanti » affiché (ill. 11) indique qu’ils devraient être ouverts ! C’est oublier (mais comment un visiteur pourrait-il le savoir) que ce qui correspond en réalité à un « plan de fermeture assuré » (voir cet article) a changé, et qu’il n’est disponible pratiquement nulle part : désormais, et au moins jusqu’en septembre, ces petites salles sont fermées le lundi ET le mercredi. Au bout de cette aile, la salle d’actualité des Arts graphiques est également close, en permanence et depuis longtemps.


12. Maestà de Cimabue, seul tableau restant dans le Salon Carré avant
l’installation de l’exposition Pierre Soulages (7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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Nous revenons donc sur nos pas, retraversons la grande galerie et entrons dans le Salon Carré (10). Là encore, les œuvres ont disparu, à l’exception de la grande Maestà de Cimabue (ill. 12). En effet, on apprend que des « travaux » y sont « en cours » « dans un souci d’amélioration du confort des visiteurs » (sic). C’est faux, comme à peu près toute la communication du Louvre : il s’agit simplement de préparer l’exposition consacrée à Pierre Soulages, évidemment prioritaire (!) pour un musée comme le Louvre, et justifiant d’enlever les peintures des primitifs italiens...
Nous passons ensuite dans les salles dédiées aux fresques (11). On n’y remarque AUCUN gardien, alors qu’il n’y a rien de plus fragile que ces œuvres dont il ne serait pas très difficile de détacher un morceau….


13. Salle avec vitrines vides sans indications
autre que le Louvre travaille pour améliorer
le confort de visite (7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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14. Une salle égyptienne au premier étage
de l’aile Richelieu (7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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Puis, après la galerie d’Apollon (12), fermée elle aussi, pour des travaux indispensables (ou pas) permettant une nouvelle présentation des diamants de la Couronne, nous passsons dans une salle (ill. 13) aux vitrines vides (sans doute pour mieux accueillir le public), puis nous laissons à gauche celles qui vont être transformées pour accueillir les objets étrusques (voir cet article), puis nous poursuivons dans l’ancien Musée Charles X. Les salles de céramique grecques (13), qui sont annoncées partout comme fermées le vendredi, le sont également désormais le mercredi. Nous poursuivons donc notre visite en passant dans des salles égyptiennes (14 ; ill. 14) jusqu’aux Objets d’art (15 ; ill. 15 et 16), et nous constatons à nouveau que le Louvre « complet » est en réalité pour une grande partie bien vide…


15. Une salle des Objets d’art
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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16. Une salle des Objets d’art
(7 août 2019)
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Et quelle n’est pas notre surprise, en arrivant dans l’aile Richelieu, de ne voir aucune barrière devant nous, aucun surveillant nous intimant l’ordre de rebrousser chemin, aucune porte close : les escaliers mécaniques de l’aile Richelieu (16) s’offrent à nous (ill. 17), et nous avons évité une grande partie de la foule pour arriver (presque) devant la Joconde… Nous en profitons donc pour nous glisser vers les salles néerlandaises, au-delà de l’entrée de la salle de la Vie de Marie de Médicis où est présentée la Joconde (ill. 18). Et là nous pouvons constater qu’il n’y a personne, ou presque. Vermeer, qui attirait les foules il y a deux ans, est totalement délaissé, comme Rembrandt ou tous les peintres des écoles hollandaise et flamande du XVIIe siècle.


17. Arrivée inattendue aux escalators
permettant de monter au second étage
via l’aile Sully (7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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18. File d’attente pour la Joconde
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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Si tout ce que nous avons vu jusqu’à présent était scandaleux, on touche là au summum : on ferme le Louvre aux visiteurs, on oblige ceux ayant réservé une entrée à prendre une longue file d’attente pour des salles vides. Il suffit de regarder notre petit film, tourné vers 12 h 15 (entre les repères 17 et 18 sur notre plan), alors que le Louvre est fermé aux visites spontanées.



Après être passé devant la sortie de la salle de la Vie de Marie de Médicis, surprise : les dernières salles flamandes (19) sont assez occupées, sans doute parce qu’il s’agit des visiteurs de la Joconde qui cherchent la sortie. Mais même dans ces salles, on est encore loin de la saturation, et la foule va se faire de moins en moins pressante au fur et à mesure que l’on avance dans les salles de peinture française (20).

Nous arrivons alors dans l’aile Sully, dans la salle des grands tableaux d’autel (21). Et là, nous nous apercevons que nous ne pouvons pas revenir en arrière (ill. 19) : deux jeunes surveillants sont là pour s’en assurer et nous confirment avoir pour consigne de ne pas laisser les visiteurs entrer dans l’aile Richelieu. On a donc la situation ubuesque suivante (qui au Louvre n’a finalement rien d’absurde, ce serait plutôt l’inverse qui serait curieux) : on ne peut passer de l’aile Sully à l’aile Richelieu au deuxième étage, mais on peut le faire au premier. Nous ne pouvons même pas préconiser à ceux qui veulent entrer dans l’aile Richelieu sans faire la queue d’emprunter ce passage, car rien ne dit que ce qui était valable mercredi le sera aujourd’hui ou demain. Comme nous l’ont confié plusieurs surveillants désabusés : « au Louvre, ça change tous les jours ».


19. Impossible de passer de l’aile Sully à
l’aile Richelieu au deuxième étage, alors
que c’est possible au premier étage
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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20. Salle Jean Restout en partie condamné,
on ne sait pourquoi
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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Le reste des salles françaises est très clairsemé et cela se poursuit jusqu’au XIXe. On ne sait pourquoi, la salle « Jean Restout et la peinture d’histoire au XVIIIe siècle » (22) est en grande partie close (ill. 20). Aucune explication ne vient renseigner le visiteur, même pas mensongère comme la plupart de celles qu’affiche le Louvre. Quant aux salles présentant les œuvres de Géricault, Delacroix, Ingres et Chassériau (23), elles sont même complètement vides (ill. 21 et 22). Pourtant, ceux qui voudraient admirer ces tableaux devront revenir un autre jour : on ne peut plus entrer dans le musée.


21. Salle de peintures françaises du XIXe
siècle (notamment Delacroix) au
deuxième étage de la Cour Carrée
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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22. Salle de peintures françaises du XIXe
siècle (notamment Ingres) au
deuxième étage de la Cour Carrée
(7 août 2019)
Photo : Didier Rykner
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Nous profitons pour jeter un œil dans la salle d’actualité du Louvre (24), qui abritait naguère la collection Beistegui et dont l’utilité est absolument nulle (voir l’article). Comme d’habitude, elle est entièrement vide (mais en revanche, on y voit un surveillant).

Nous aurions pu encore continuer notre visite au Louvre car nous n’avons pas parcouru toutes les salles. Nous sortons néanmoins après y avoir passé presque une heure et demi. À l’heure où nous terminons cet article, les seules réservations possibles pour entrer dans un Louvre pourtant en grande partie vide sont dans une semaine, le vendredi 16 août, et encore : uniquement pour la nocturne dont on apprend que, dorénavant, les cartes d’Amis du Louvre et d’ICOM n’y auront plus d’entrée coupe-file [1] et devront attendre avec ceux qui ont réservé leur entrée...

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