De (bonnes) nouvelles du square de l’Archevêché (et de la cathédrale)

Le devenir du square de l’Archevêché (dit aussi square Jean XXIII) fait débat depuis quelques jours, lorsqu’une rumeur a fait état de menaces qui pèseraient sur certains arbres, en raison de l’installation du camp de vie des entreprises travaillant sur la consolidation de la cathédrale, et de celles qui vont la restaurer (voir la brève du 6/5/19). S’il n’a manifestement jamais été question de couper 44 arbres comme le bruit en a couru, il est indéniable que certains auraient bien aimé faire un peu de place pour l’installation. Nous avons eu confirmation que quatre arbres ont été menacés, ce qui est déjà trop. Nous ne savons pas si cela aurait été mis en œuvre, l’architecte en chef des monuments historiques Philippe Villeneuve nous ayant assuré qu’il n’en était pas question et qu’il avait tout de suite invoqué le caractère classé du site.


1. Square de l’Archevêché
21 mai 2019
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

Les associations de protection du patrimoine sont certainement à fleur de peau, mais elles ont quelques raisons de l’être. D’abord parce qu’elles sont habituées aux catastrophes patrimoniales, ensuite parce que la gestion de la future restauration par le gouvernement est catastrophique ce qui n’est pas fait pour apaiser les esprits. Heureusement, les travaux de sauvetage et de consolidation de la cathédrale sont menés rapidement et avec professionnalisme, et le square Jean XXIII, pour lequel nous avions nous aussi des inquiétudes, ne nous semble pas du tout menacé (ill. 1). Nous avons en effet pu le visiter avec l’architecte en chef des monuments historiques Philippe Villeneuve et l’un des trois autres ACMH qui l’assistent dans sa mission, Rémi Fromont, ce qui a permis de nous rassurer.


2. Fontaine du square de l’Archevêché
21 mai 2019
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

Aucun arbre n’a été touché (une ou deux branches d’un arbre du côté de la Seine ont pu être arrachées par le passage d’un camion, mais les dégâts semblent mineurs) et il nous a été assuré qu’aucun ne le sera. La manière dont sont implantés les baraquements ne menacent l’appareil racinaire d’aucun d’entre eux car la dalle de ciment qui les soutient (et qui est seulement posée sur le sol) en est suffisamment éloignée. La fontaine au centre du square (ill. 2) sera par ailleurs protégée.
On pouvait néanmoins se poser deux questions auxquelles les architectes nous ont apporté des réponses qui nous paraissent satisfaisantes :


3. Zone de stockage près du chevet de la cathédrale
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

 Pourquoi installer le camp de vie dans le square, et non par exemple sur le parvis ? Les raisons sont nombreuses, parmi lesquelles nous avons retenu le fait que le parvis est actuellement occupé en partie par les équipes triant les débris de la charpente et de la voûte sortis de la cathédrale. Il faut également des espaces de stockage suffisamment grands qui sont disponibles au pied du chœur de la cathédrale (ill. 3). Il y a par ailleurs des contraintes sanitaires draconiennes (pédiluves, douches, etc.) qui imposent d’implanter rapidement la base de vie (le chantier n’est actuellement pas aux normes). Il était impossible de s’installer ailleurs, comme par exemple dans l’Hôtel-Dieu, pour éviter de polluer l’espace public en traversant une rue. Il y a enfin des contraintes de portance des éléments alors que sous le parvis se trouve notamment un parking et la crypte.


4. Palissade entourant actuellement le square de l’Archevêché
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

 Pourquoi s’empresser d’enfermer le square de manière quasi hermétique avec une palissade empêchant de voir ce qui s’y passe (ill. 4) ? La réponse, là encore, semble acceptable : il s’agit d’une clôture temporaire, qui permet de mettre rapidement le chantier en sécurité, pour éviter les intrusions, en attendant de voir comment elle pourra ensuite être transformée de manière à ce que le jardin puisse être vu du public.


5. Notre-Dame en cours de consolidation
Les vitraux des parties hautes ont été enlevées (20 mai 2019)
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page
6. Arcs-boutants de Notre-Dame
qui seront bientôt cintrés pour les soutenir
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

Philippe Villeneuve a par ailleurs fait le point sur le bilan de l’incendie et sur l’état de la cathédrale. Il nous a confirmé qu’aucun vitrail n’avait été détruit et que ceux des parties hautes ont été déposés par des maîtres-verriers (ill. 5).
Les arc-boutants vont être mis sur cintre (ill. 6), ce qui signifie qu’ils seront étayés par des éléments de bois prenant leur forme, afin de les stabiliser au cas où des morceaux de voûte s’effondreraient encore. Le vrai problème aujourd’hui est là : on ne sait pas comment sont exactement les voûtes. Elles sont monitorées, et la bonne nouvelle, c’est qu’elles ne bougent pas. Mais, progressivement, les maçonneries vont s’assécher et on ne sait comment elles vont réagir quand on enlèvera les débris (bois calcinés, ferraille…) qui se trouvent au-dessus. Pour le moment donc, personne ne peut aller sous la voûte et c’est la raison pour laquelle tous les gravats sont sortis avec des robots. Un tri est fait directement dans la cathédrale sur des tables de tris. Tous les morceaux sont numérotés. Tout est gardé et pourra être analysé plus tard de manière approfondie. Par ailleurs, l’architecte en chef souhaite - ce qui nous paraît une bonne décision - pouvoir remettre en place, sur les morceaux de voûte détruits de la croisée du transept et de la travée de la nef, tous les éléments remarquables qui auront été retrouvés, comme ceux de l’oculus abimés, avec, bien entendu, l’angelot (voir la brève du 21/5/19) et les autres dont on peut espérer qu’ils seront aussi redécouverts, mais aussi les claveaux des nervures. Cela restera une trace visible de l’incendie, ce qui devrait rassurer ceux qui pensent qu’il s’agit ici d’effacer tous ses stigmates, comme s’il n’avait jamais eu lieu.


7. Vue du chevet de Notre-Dame de Paris vu du square de l’Archevêché
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

En conclusion, il nous a confirmé ce que nous avions déjà compris : si l’on a perdu une flèche, une charpente, une couverture, et des portion de voûte, tout le reste (vitraux, grand orgue, mobilier, trésor, sculptures, peintures, etc.) est intact. Ce qui, en soi, est extraordinaire.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.