Controverses à propos de l’évolution du Musée du Prado

17/12/04 – Politique culturelle - Madrid, Museo del Prado - En 2003, le gouvernement libéral de José Maria Aznar avait élaboré des projets de loi qui préconisaient de confier la gestion des collections publiques à des sociétés privées. En avril dernier, lors de sa nomination par le socialiste José Luis Zapatero, la nouvelle ministre espagnol de la Culture, Carmen Calvo, avait déclaré vouloir maintenir le service public, prendre comme modèle la politique de Jack Lang des années 1980, et défendre le principe de l’exception culturelle.
Le 10 octobre dernier, une conférence de presse a présenté le plan pluriannuel 2005-2008, concernant l’avenir du musée du Prado, ce qui a donné lieu à de nombreuses polémiques dans la presse madrilène. D’une part les travaux d’agrandissements ont pris du retard et l’inauguration de l’aile en construction par Rafael Moneo, déjà reportée à plusieurs reprises, n’aura pas lieu au printemps 2005 comme prévu, mais en 2006. Le Prado exposera alors sa collection de tableaux du XIXe siècle, jusqu’ici conservée à quelques mètres du bâtiment principal, au Cason, qui à la place accueillera un centre de recherche. Du coup, il faudra à nouveau agrandir les espaces d’exposition en annexant le Salon des Royaumes [1], une demande très ancienne du Prado, car cela lui permettra de replacer plusieurs portraits de Velázquez à l’endroit même pour lesquels ils ont été conçus. Certains critiquent la création d’un musée labyrinthique et craignent que le charme particulier du lieu, grandiose et intimiste à la fois, soit rompu.
Dirigé par Miguel Zugaza, 35 ans, le musée a obtenu récemment le statut d’établissement public et est supposé se mettre rapidement au diapason des autres institutions européennes. Le plan prévoit surtout que le budget de fonctionnement devrait passer de 35 millions d’euros par an à 42 millions en 2008 [2], avec un autofinancement à hauteur de 40 % en 2008. Deux conséquences en découlent. A partir de 2005, le musée sera ouvert une heure de plus par jour ainsi que le dimanche après-midi. Le prix du billet doublera, passant de 3 à 6 euros [3], la gratuité restant assurée pour les moins de 18 ans, les étudiants et les professeurs ainsi que pour tous le dimanche.
Autre question qui divise la presse : la présence de l’art contemporain dans le premier musée du pays fait débat. En juillet dernier, le président du Patronato [4] du musée a changé : Rodrigo Uría a pris comme première décision d’annuler la rétrospective programmée de Barcelo et toute autre expositions d’artistes actuels. Il estime cela contraire à la mission de l’établissement, remarquant que l’Espagne s’est doté de nombreuses institution consacrées à l’art de notre temps. Un avis que ne partage pas le pouvoir politique.

Michel de Piles

Notes

[1Partie subsistante du palais de Buen Retiro, le Salon des Royaumes appartient officiellement au musée du Prado depuis 1984. Celui-ci n’a cependant pas pu en prendre possession car il est occupé par le musée de l’Armée. Les collections militaires seront prochainement transférées à l’Alcazar de Tolède.

[2Le financement de l’Etat passant de 16,8 à 25,8 millions

[3L’annonce du prix d’entrée du MOMA lors de sa réouverture très élevé ( 20 dollars) aurait incité à prendre cette décision.

[4Le Patronato est un comité de surveillance, comparable aux Trustees anglo-saxons, composé de personnalités extérieures à la direction du musée. Son président est hiérarchiquement plus important que le directeur.

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