Bon débarras !

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Aurons-nous, enfin, un ministre de la Culture digne de ce nom ? Au moins Fleur Pellerin n’a-t-elle – à notre connaissance – aucune casserole dans le domaine du patrimoine et des musées. Laissons lui le bénéfice du doute. Comme pour tous ses prédécesseurs, nous jugerons sur pièce même si, a priori, elle n’a également aucune compétence particulière dans ces domaines…

C’est ce que nous avons fait pour Aurélie Filippetti. Et le moins que l’on puisse dire est que son bilan est définitivement d’une médiocrité qui la relègue sans effort parmi les plus mauvais ministres que nous avons connus, un club déjà très fréquenté. On aura bien du mal à retrouver une action positive de sa part dans les domaines qui nous intéressent, mais il sera beaucoup plus facile de rappeler ses échecs et ses renoncements. Face à un budget en forte diminution, elle a délibérément sacrifié encore davantage la mission patrimoine en lui imposant la plus forte baisse. Elle n’a jamais rien fait pour les Serres d’Auteuil (il est vrai qu’elle avait hérité du dossier), elle a posé une instance de classement sur la halle de Fontainebleau pour aussitôt renoncer et la laisser détruire, elle a abandonné à leur sort les églises de Gesté et d’Abbeville… Bref, elle est restée aux abonnés absents sur presque tous les dossiers chauds du moment qui auraient nécessité la présence d’un vrai ministre de la Culture, à une seule exception près, il faut le reconnaître, l’inscription des maisons de la rue des Carmes qui, pour l’instant, a empêché le maire de la vandaliser [1].

Inefficace sur tous les plans, elle voulait cependant faire voter un nouveau texte sur le patrimoine, ne craignant pas de mettre à bas tout l’édifice existant, au risque de laisser les parlementaires réduire à néant la loi actuelle dont on a fêté récemment les cent ans et qui reste un exemple pour beaucoup de pays. Une partie de ce projet de loi était positif, néanmoins, notamment le classement d’ensembles mobiliers, ou de mobiliers in situ et la protection des domaines nationaux... Mais d’autres mesures paraissaient largement discutables, comme la refonte complète des secteurs sauvegardés. Il est probable que ce projet de loi ne verra jamais le jour, retardant ainsi davantage l’application de certaines mesures que les défenseurs du patrimoine attendent pourtant depuis longtemps. À vouloir trop en faire pour laisser sa trace, elle aura finalement tout fait échouer. Il faudra pourtant bien un jour étendre la procédure de classement mobilier si l’on ne veut pas voir tous les ensembles subsistant dans les monuments historiques privés inéluctablement dispersés ; il faudra mieux protéger les domaines nationaux que de nombreux promoteurs aimeraient voir dépecés ; il faudra, enfin, trouver une solution à l’incapacité de la plupart des villes de transformer les ZPPAUP (Zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager) en Aire de Valorisation du Patrimoine, une réforme héritée de Frédéric Mitterrand (autre ministre incompétent)…

Elle n’aura donc pas saisi la seconde chance dont elle disposait. Alors qu’elle savait qu’elle ne serait pas reconduite à son poste (évidemment pour aucune des bonnes raisons données ci-dessus), Aurélie Filippetti avait déclaré qu’elle ne voulait pas rester ministre de la Culture, mettant ainsi en pratique cette célèbre phrase de Cocteau [2] : « Les événements nous dépassent, feignons de les organiser ». L’ironie veut donc qu’elle soit remplacée par Fleur Pellerin, celle-là même qu’elle avait sciemment écartée de la montée des marches à Cannes, car elle ne supportait pas la concurrence. Vaniteuse autant qu’indifférente à ce qu’elle aurait dû protéger, personne, décidément, ne la regrettera.

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