Achetons un banc parisien pour le réinstaller dans Paris !

Depuis plusieurs semaines, la chose n’a pas dû vous échapper : une campagne est menée par des milliers d’utilisateurs parisiens de Twitter, sous le mot dièse #saccageparis, pour dénoncer la gestion urbaine de la municipalité dirigée par Anne Hidalgo. Ce mouvement existait déjà depuis plusieurs années, mais de manière désordonnée. Il aura fallu la magie de ce qu’on appelle aussi un hashtag pour fédérer ceux qui n’en peuvent plus de voir notre capitale défigurée.
Contrairement à ce qu’a voulu faire croire la maire de Paris, et certains de ses adjoints et aficionados, le mouvement n’est évidemment pas d’extrême-droite (une tendance politique d’ailleurs très peu présente à Paris) ni même particulièrement politisé, beaucoup de participants se réclamant de la gauche, mais ne pouvant simplement plus supporter la dégradation de l’environnement parisien.
Et Anne Hidalgo peut s’inquiéter, car cette lame de fond n’est évidemment pas près de s’arrêter, bien au contraire.



Le mouvement ne se limite pas à critiquer la saleté de la Ville, ou l’impossibilité d’y circuler, ni même la végétalisation dérisoire aux pieds des arbres, les aménagements désastreux de la voirie ou les innombrables nids de poule dans la chaussée... Il s’intéresse aussi et même avant tout au patrimoine de Paris et à sa beauté. Mobilier urbain historique qui disparaît, remplacé par n’importe quoi, monuments (fontaines, églises…) en péril, tags qui s’imposent à la vue, tours qui défigurent les perspectives… Des questions donc qui concernent directement La Tribune de l’Art. Raison pour laquelle notre compte Twitter, @ltdla, fort de ses près de 75 000 followers, participe à cette action dès lors qu’il s’agit de sujets entrant dans notre champ.


1. Gabriel Davioud (1823-1881)
Banc public double de rue parisienne
Fonte peinte en vert, bois - 103 x 200 x 75 cm
Vente Lucien, Paris, 18 mai 2021
Photo : Lucien
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Mais #saccageparis va encore plus loin : il fédère et suscite des initiatives. C’est ainsi que Quentin Divernois, l’un des membres les plus actifs de ce mouvement qui n’est pourtant pas (encore) structuré, a eu une excellente idée : ouvrir une souscription pour acheter aux enchères un banc (ill. 1) qui va passer en vente à l’Hôtel Drouot chez la SVV Lucien. Celle-ci organise en effet régulièrement des ventes consacrées à Paris. On y voit souvent du mobilier urbain vendu par des collectionneurs qui l’ont récupéré ou acquis au fil des années. Cela pose la question du devenir de ce mobilier historique remontant souvent à l’époque d’Haussmann (au moins dans sa conception et dans ses formes) et qui disparaît aujourd’hui, remplacé par un autre mobilier, sans doute plus « participatif » ou « inclusif », mais surtout d’une laideur rare (ill. 2) et sans homogénéité.


2. Bancs en bois de récupération sur la place de la République
Photo : Didier Rykner
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Le banc, donc, sera mis aux enchères le 18 mai prochain. Il s’agit d’un banc parisien classique, un modèle dessiné par Gabriel Davioud, d’époque Napoléon III, qui n’aurait jamais dû être vendu par la municipalité. Si cette vente est peut-être ancienne, cela ne la rend pas plus acceptable. Le propriétaire aujourd’hui n’est pas la Ville, néanmoins, et peut-être a-t-il d’ailleurs contribuer à le sauver de la décharge, comme le faisait en son temps Roxane Dubuisson qui récupérait tout ce qu’elle pouvait et qui allait être jeté (nous avions parlé de sa vente, chez Lucien, ici).
Mais quel meilleur symbole que de racheter ce banc, et de demander à la mairie qu’il soit réinstallé dans une rue ? Quelle meilleure opération de communication pour faire encore mieux connaître ce combat ? Bien entendu, il ne sera pas question de l’acquérir à n’importe quel prix. Et l’excédent de la souscription sera reversé à l’association SOS Paris qui en a bien besoin pour mener ses combats. Souscrivons tous !


La page de la souscription
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Plus largement, cette action doit déboucher sur une autre revendication : plus aucun mobilier urbain historique - bancs, lampadaires, feux de signalisation en fonte, kiosques, colonnes Morris, etc. - ne doit être vendu par la Ville de Paris. Bien au contraire : il doit être restauré, entretenu, remis en place et s’il le faut réédité dans ses formes traditionnelles afin que nous puissions retrouver Paris tel que nous l’aimons et tel que l’aiment les touristes, dans tous les quartiers anciens et du XIXe siècle.

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