À s’y méprendre...

Le ministère de (l’In)culture n’en est plus à une provocation près. Celui-ci présente sur son site Internet « la reprise en 4 temps fort dans les musées, expositions et monuments ». Et parmi les quatre événements est citée l’inauguration du « Grand Palais éphémère [1] ».


1. Une pelouse décrépite du Champ de Mars (mai 2019)
Photo : Didier Rykner
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2. Une élégante poubelle dans
le Champ de Mars (mai 2019)
Photo : Didier Rykner
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Rappelons de quoi il s’agit : pour remplacer le Grand Palais qui abrite de grands événements culturels mais surtout commerciaux ou sportifs, et alors que celui-ci va faire l’objet de travaux pendant plusieurs années, le ministère de la Culture n’a pas trouvé d’autre solution que de construire une structure dessinée par Wilmotte qui devrait durer au moins jusqu’en 2024, et qui est désormais située sur le Champ de Mars, juste devant la façade de l’École militaire. Le Champ de Mars qui n’est plus que l’ombre de lui-même, déjà dévasté par la politique ahurissante de la Mairie de Paris, avec ses pelouses élimées (ill. 1), ses poubelles géantes (ill. 2) et, du côté de la Tour Eiffel, son mur en verre (voir l’article), avait bien besoin de cela. Pour implanter ce bâtiment « éphémère » (ill. 3), qui prend 11 % de la surface de ce qui fut autrefois un des plus beaux jardins de Paris, il a fallu planter 110 pieux de 14 mètres de profondeur dans le sol, des pieux qu’il n’est d’ailleurs pas question d’ôter après la suppression de la structure. On ne sait jamais n’est-ce pas, ça pourrait resservir un jour…


3. Grand Palais éphémère de Jean-Michel Wilmotte (ou alors Grand Palais, vraiment, c’est à s’y méprendre)
Photo : James Tamim (CC BY-SA 4.0)
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4. Grand Palais (ou alors Grand Palais éphémère de Wilmotte, vraiment, c’est à s’y méprendre)
Photo : Gordon Gartrell (CC BY-SA 2.0)
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Le texte du ministère de la Culture commence très fort : « Un Grand Palais sur le Champ-de-Mars ressemblant à s’y méprendre à celui de l’avenue Winston-Churchill ». À s’y méprendre ? L’auteur de cette phrase n’a pas dû souvent regarder le Grand Palais (ill. 4). Il est savoureux de lire ceci sur le site d’une administration qui ose prétendre lutter contre les fausses informations. Il est vrai qu’il faut vendre ce projet scandaleux : le ministère le qualifie donc de « pari réussi », et de « fruit d’une collaboration vertueuse entre la RMN - Grand Palais et Paris 2024. ». Il n’y a évidemment rien de vertueux là dedans.

Il va plus loin encore en osant prétendre que cette construction, qui cache la perspective sur un des monuments les plus prestigieux du XVIIIe siècle à Paris, « s’insère harmonieusement sur le site du Champ-de-Mars ». Qu’il rappelle ensuite, pour en rajouter dans la justification, que ce lieu fut « scandé par les expositions universelles qui ont vu entre autres, l’érection de la Tour Eiffel » est totalement trompeur : les grandes expositions universelles sont terminées depuis plus d’un siècle et il n’est pas question ici d’exposition universelle mais d’une opération commerciale, et de Jeux Olympiques.

Et, pour terminer, vient la cerise sur le gâteau : l’argument écologique. Et il en faut pour justifier le remplacement - même temporaire (pour plusieurs années quand même) - d’un jardin par un centre d’expositions. « Tout a été fait pour limiter au maximum son empreinte écologique ». On pollue donc (car un tel chantier pollue, qu’on le veuille ou non) mais moins qu’on aurait pu le faire : il s’agit en effet - roulement de tambour - d’un « modèle de bâtiment éco-responsable ». C’est un ministère irresponsable qui vous le dit.

Nous ne cessons, depuis des années, de dénoncer la lente décrépitude du ministère de la Culture, qui finalement, est parallèle à celle du Champ-de-Mars. Un ministère plus actif pour laisser détruire que pour protéger, un ministère fort peu écologique en somme, puisqu’il se décompose en laissant derrière lui beaucoup de déchets. Méfions-nous : Roselyne Bachelot serait capable de demander le classement monument historique de l’œuvre de Wilmotte.

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